Le raid sanglant de vendredi contre Naplouse compromet un peu plus le fragile processus d'accalmie engagé dans la région. Israël veut-il réellement travailler pour instaurer la paix entre les communautés juive et arabe au Proche-Orient? Il est permis d'en douter, après la sanglante répression contre le camp d'Askar à Naplouse, d'autant plus qu'il semble que pour les Israéliens, et singulièrement pour Sharon et son gouvernement, les Palestiniens ne seraient globalement, et dans le détail, que des terroristes à pourchasser au seul motif qu'ils luttent contre l'occupation pour leur liberté et leurs droits. Intolérants, habitués à imposer leur seul concept de la paix, qui ne pouvait être selon eux «qu'israélienne», par la soumission à Israël du peuple palestinien, les gouvernants israéliens perdent de vue qu'ils ont en face d'eux un peuple fier et libre qui a su tenir tête, depuis trois ans, à la plus féroce des répressions menées par l'une des plus puissantes armées du monde. Contre le camp de réfugiés à Naplouse Israël a mis en branle son aviation, ses hélicoptères de combat, ses chars et ses blindés, au moment où les mouvements palestiniens observent, depuis le 29 juin, la trêve qu'ils ont unilatéralement décrétée malgré les provocations israéliennes. Toutefois, Israël a habitué à tirer profit de ces accalmies pour renforcer son emprise sur les territoires palestiniens ou pour des opérations ponctuelles comme celles de vendredi à Naplouse. Le porte-parole du gouvernement israélien, vindicatif et contre toute réalité, indique que le raid sanglant contre le camp d'Askar «n'avait rien à voir avec la trêve» et affirme: «C'est une opération de légitime défense visant des terroristes qui préparaient des actions terroristes, et nous respectons tous nos engagements pris avec l'Autorité palestinienne». Or, l'opération sus-citée, qui ne répond à aucune attaque palestinienne, est bel et bien un casus belli qui remet en cause le fragile processus engagé par le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas. En effet, unanimes les mouvements palestiniens de même que des représentants de l'Autorité palestinienne et le président Yasser Arafat, mettent en garde Israël qui aura, assurent-ils, à assumer les conséquences d'actions irréfléchies contre la population palestinienne. Pour Yasser Arafat, il est clair que l'opération de Naplouse et une «violation de la trêve» et vise selon lui «à détruire le processus de paix». Même son de cloche de la part de Yasser Abed Rabbo, ministre des Affaires gouvernementales, qui n'a pas manqué de relever que Sharon veut «retourner à la politique de destruction et d'invasion, car il n'entend pas appliquer la feuille de route», le plan de paix international. Le ministre palestinien met en exergue le fait que «tous les courants palestiniens ont adopté une attitude positive et fait preuve d'esprit de responsabilité». Zyad Abou Amr, ministre de la Culture, chargé des mouvements palestiniens, plus catégorique indique «Hamas (dont il a rencontré hier des responsables) a jusqu'à présent observé la trêve, mais je doute que cela continue si Israël poursuit sa politique d'agression». Tous les mouvements palestiniens semblent penser la même chose, état d'esprit que résume ainsi un militant de la résistance palestinienne «si les Israéliens ne respectent pas la trêve, ils en assumeront toutes les conséquences». Les Israéliens qui ont ces dix dernières années fait échouer toutes les tentatives d'arriver à une paix négociée ne veulent de paix qu'imposée et assortie de la soumission des Palestiniens. Et cette façon arrogante, voire suicidaire, de voir les choses, qui s'est soldée par de nombreux fiascos depuis plus d'un demi-siècle n'a aucune chance de réussir aujourd'hui contre un peuple déterminé à faire reconnaître ses droits. Se conduisant en maître de la région, voulant imposer sa volonté à ses voisins arabes d'une manière générale et aux Palestiniens plus particulièrement, Sharon joue avec le feu et ne semble pas, -et avec lui l'ensemble des responsables israéliens-, tirer de leçons des échecs d'Israël à dompter un peuple qui se bat pour faire valoir ses droits à établir son Etat indépendant...