La situation demeure stationnaire dans les territoires occupés. Israël refuse une force d'interposition. Sept raids ont été menés sur Ghaza depuis mardi dernier par l'armée israélienne d'occupation laissant 26 morts sur le terrain et des dizaines de blessés. La tentative d'assassinat du responsable politique de Hamas, Abdelaziz Al-Rantissi, a encore renforcé davantage le doute sur la disponibilité d'Israël à honorer les engagements pris dans le cadre de la «feuille de route». Une feuille de route que d'aucuns estiment, d'ores et déjà, dépassée dans certains de ses aspects. Notamment par le fait de n'avoir pas prévu une force d'interposition entre les deux belligérants, la seule à même de séparer et de réduire, un tant soit peu, la violence récurrente qui marque le Proche-Orient depuis plusieurs mois. De fait, sentant ce manque comme un défaut dans l'armature de la «feuille de route», plan de paix international qui prévoit la création de l'Etat palestinien à l'horizon 2005, la France avait mis en avant l'idée de mise en place d'une force d'interposition. Ce qui aurait permis, d'une part, de combler un vide apparu dans le document du processus de paix parrainé par le quartette, (USA, UE, ONU, Russie), d'autre part, montrer le réel souci de la communauté internationale de mettre, enfin, un terme à un conflit plus que demi-centenaire. Toutefois, Tel-Aviv a immédiatement rejeté l'idée française d'une force internationale d'interposition. «Il n'y aura pas de force internationale ici (entre Israël et les Palestiniens). La seule chose qu'Israël a accepté, c'est la présence d'observateurs chargés de veiller à l'application des diverses étapes de la feuille de route», indiquait, hier, Raanan Gissin, porte-parole du chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon. Ainsi, Israël campe sur sa position traditionnelle selon laquelle le dossier palestinien est un problème intérieur israélien. Ce qui n'a jamais été le cas, ce dossier relevant des instances internationales et notamment des Nations-unies, qui ont produit plusieurs résolutions sur la question. Cependant, peut-il en être autrement lorsque M.Bush, perdant de vue le fait qu'en tant que parrain du processus de paix il se devait d'observer une certaine neutralité et réserve, se laisse aller à faire cause commune avec l'un des belligérants, Israël. Estimant, dimanche, dans une discussion avec les journalistes, que «la route est très difficile vers la paix», George W.Bush indiquait: «Il est évident que le monde libre, attaché à la liberté et à la paix, (devait) combattre avec fermeté le Hamas et les tueurs d'Israéliens.» Selon cette appréciation du problème, qui alors combattra les tueurs de Palestiniens, victimes entre autres des assassinats politiques ciblés? S'agit-il dès lors de seulement protéger et «sécuriser» Israël, ou de chercher à instaurer une paix véritable où les droits et la sécurité des Palestiniens, comme ceux des Israéliens, soit effectivement assurés? Il en fait impossible aujourd'hui de regarder la paix sous le seul prisme de la sécurité d'Israël et des Israéliens, alors que le fondement du conflit est qu'il y a, à côté de la communauté juive, un peuple privé de tous ses droits, un peuple vivant sur son propre territoire sous le joug de l'occupation. En focalisant sur la seule violence palestinienne, tout en occultant celle plus grave, et tout aussi réelle, de la puissance occupante israélienne, l'administration américaine ne veut pas diagnostiquer les vraies causes de la recrudescence de la violence, préférant par facilité - sous la pression du lobby pro-israélien - charger la résistance palestinienne. Ce qui, en vérité, est tout a fait improductif au vu de l'expérience de ces dernières décennies qui a montré que la puissance et la force n'ont jamais été la solution ni la bonne alternative à un dossier qui reste particulièrement un problème de décolonisation qui demande la mise en oeuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité y afférentes. L'Etat de Palestine, projeté pour d'ici 2005, ne saurait être une faveur, que les Etats-Unis voudraient bien, avec le consentement d'Israël, octroyer aux Palestiniens, mais bien le droit absolu d'un peuple qui lutte depuis 1948 pour se faire rétablir dans ses droits. La feuille de route» ce n'est pas seulement la paix, ou la sécurité, pour Israël, c'est avant tout le droit pour les Palestiniens d'ériger leur Etat sans conditions et sans chantage, autrement le document du quartette n'aura pas de sens, et n'apportera aucun apaisement aux communautés juive et palestinienne qui, elles, aspirent à la paix et au repos. Sharon comprendra-t-il jamais cela, lui qui espère, contre toute raison, soumettre un peuple qui se bat pour ses droits depuis plus d'un demi-siècle?