Le chef de l'etat compte puiser dans le Trésor public pour entamer sa campagne sur les chapeaux de roue. Des sources proches du gouvernement indiquent que «les touches finales sont en train d'être mises aux deux rendez-vous sociaux que l'Exécutif compte mettre à profit pour s'allier les travailleurs et le patronat en prévision d'une campagne électorale qui s'annonce plus ardue que jamais». A l'ombre de cette conjoncture politique très particulière, croit-on savoir, «le Président et son Chef du gouvernement auraient pris la ferme résolution de lâcher beaucoup du lest en acceptant quasiment de doubler le Snmg (Salaire national minimum garanti) qui passerait ainsi de 8000 à 15.000 DA». Un fait est déjà établi, nous disent des cadres de la Centrale: «L'Ugta, qui sait que des conjonctures aussi favorables ne se présentent pas souvent, n'acceptera jamais un Snmg inférieur à 12.000 dinars, ce qui est déjà considérable pour des travailleurs littéralement saignés à blanc depuis de trop nombreuses années.» C'est dans cette perspective, croit-on savoir, que Ahmed Ouyahia «a reçu l'ensemble des responsables des organisations patronales durant ces deux dernières semaines, pour les convaincre d'accepter, elles aussi, que des hausses pareilles puissent se faire». Il s'agit de préparer avec minutie la future tripartite. Les organisations patronales, qui emploient aujourd'hui près de la moitié de la main-d'oeuvre active algérienne, c'est-à-dire plus de 2 millions de travailleurs déclarés, doivent en effet accepter cette hausse afin qu'elle puisse devenir effective. Le gouvernement, en échange, devrait faire des concessions, liées notamment à la concurrence avec les produits d'importation et aux diverses tarifications. Sur ces points, le patronat a fait alliance avec l'Ugta dans le but de «préserver le tissu industriel algérien, de préserver les emplois existants et de tenter d'en créer d'autres». Seul un fin manoeuvrier comme Ahmed Ouyahia, également engagé sur le difficile front du dialogue avec les ârchs, semble être capable de gérer de pareils dossiers pour le compte du Président Bouteflika qui, nous dit-on, compte en faire son principal cheval de bataille dans sa future campagne électorale pour briguer un second mandat présidentiel. Des sources proches de la Centrale Ugta indiquent, pour leur part, que «la tripartite aura lieu quelques semaines après la bipartite prévue, elle, dès le début de ce mois de septembre». Une rencontre est prévue la semaine prochaine entre Sidi Saïd et Ouyahia en vue de mettre les touches finales aux quatre dossiers en instance afin qu'aucun grain de sable ne vienne enrailler la machine sociale sur laquelle le Président compte beaucoup pour se refaire une santé politique en prévision de sa future bataille électorale. Sans le dire explicitement, l'Ugta compte profiter à fond de cette conjoncture sociale extrêmement favorable pour décrocher le maximum d'acquis en faveur des travailleurs. Il s'agit, rappelons-le, du logement social, des corps communs de la Fonction publique, de la protection sociale et du statut général de la fonction. La plupart de ces dossiers, notamment le dernier nommé, traînent depuis des années sur les bureaux des responsables qui en ont la charge sans arriver à trouver de solution consensuelle entre les exigences de l'économie de marché, d'un côté, et les besoins de plus en plus pressants d'une population fortement appauvrie ces dix dernières années. Pas moins de 10 millions d'Algériens, précise un rapport du Conseil national économique et social (Cnes) vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Les corps communs, qui n'ont pas bénéficié des récentes et importantes hausses, accordées du temps où Ali Benflis était à la tête du gouvernement, «verraient leur régime indemnitaire révisé à la hausse à hauteur de plus de 10 %», indiquent des sources. Celles-ci ajoutent que «la question du logement en faveur des travailleurs sera durablement défrichée puisque de nombreuses formules seront soutenues avec des fonds étatiques dans un premier temps, s'il en était besoin». Comme cela avait été le cas lors de la dernière bipartite, c'est le Président qui se réserverait le droit de faire et de signer tous les nouveaux acquis sociaux en faveur des travailleurs, même si c'est son Chef du gouvernement qui négocie pour lui. C'est ainsi que Bouteflika trahit de plus en plus ses prétentions politiques de vouloir briguer un second mandat en jouant à fond la carte sociale en général et celle de l'Ugta en particulier, qui revendique pas moins de quatre millions d'adhérents et de sympathisants. A ces quatre dossiers sont venus se greffer deux autres points contenus dans la plate-forme de revendications de l'Ugta liée à la grève des 25 et 26 février dernier. Il s'agit de la privatisation et de la loi sur les hydrocarbures que le gouvernement a seulement gelée, maintenant de la sorte le risque de la voir ressurgir aux moments les plus inattendus. La tripartite, elle, attendue d'ici au début du mois d'octobre, aura à se pencher sur une revalorisation conséquente du Snmg. Si aucun consensus n'a encore été établi, précisent des sources proches de la Centrale Ugta jointes hier par téléphone, «tout est fait pour amener les pouvoirs publics à accepter un salaire minimum de pas moins de 15.000 DA». Ouyahia, qui se sait pris à la gorge, et qui ne peut garder trop longtemps plusieurs fers au feu au risque de tout perdre en même temps, ne serait pas foncièrement contre cette hausse même si rien n'a filtré à ce propos du côté des pouvoirs publics. L'Ugta, à l'appui de cette revendication, a produit une étude qui montre que «les besoins simplement vitaux d'une famille de cinq personnes dépassent un peu les 22.000 DA». Nos sources, au passage, précisent que «ceux qui pensent que cette hausse ouvrirait la porte à l'inflation se trompent sans nul conteste puisque une amélioration notable du pouvoir d'achat relancerait la consommation et, partant, la production alors que dans le même temps l'argent circulerait plus rapidement, réduisant les taux de thésaurisation qui font beaucoup de mal à l'économie et à la monnaie nationale».