L'Ugta refuse de dire quoi que ce soit avant que la démarche de l'Exécutif ne soit connue. La lune de miel sociale entre le gouvernement et l'Ugta n'a jamais été mieux illustrée qu'à l'occasion de la célébration, hier, de la fête des travailleurs. Sous un imposant dispositif sécuritaire, contrastant nettement avec les déclarations triomphalistes d'Ouyahia, ce dernier, en compagnie de pas moins sept ministres, dont ceux de l'Intérieur, du Travail, de la Solidarité et des Moudjahidines, a accompagné pas à pas le programme concocté à l'occasion par les membres de la direction de l'Ugta, avec Sidi Saïd à leur tête. Les deux hommes, tout sourires, ne se sont pas quittés d'un pas lors des dépôts de gerbes de fleurs sur les tombes d'Aïssat Idir à Sidi M'hamed, Belaïd Meziane à Sidi Tayeb et Abdelhak Benhamouda à El-Alia. La pose de la première pierre pour la construction de 500 logements à Zemmouri au profit des sinistrés du séisme du 21 mai passé a également été effectuée par Sidi-Saïd. Ce geste, hautement symbolique ont estimé les observateurs, n'a été rendu possible que grâce au Fnpos (Fonds national de péréquation des oeuvres sociales), exclusivement alimenté avec l'argent des travailleurs. Mais par delà le caractère « cérémonial » dans lequel les apparences doivent être préservées, il ne fait aucun doute que les membres du gouvernement et son partenaire social en sont encore au stade de l'observation, avec une extrême tension. Des sources proches de la Centrale, en effet, qui refusent d'émettre le moindre jugement sur la composition, ni les déclarations émanant de cet Exécutif, se contentent de nous dire que «l'Ugta réserve son jugement, ses réactions et ses éventuelles actions pour après la publication du programme du gouvernement». Nous apprenons, à ce propos, que le document en question devrait être déposé sur le bureau de l'APN au début de la semaine prochaine. La démarche, qui accordera la priorité absolue à la relance économique et au dialogue social, suivant les orientations du président Bouteflika, a une nouvelle fois été confirmée par Ouyahia dans un entretien accordé au journal français Le Point. D'ici à cette date, et dans le but de tenter de peser sur le cours des évènements, nous apprenons qu'«une rencontre informelle doit avoir lieu dans le courant de cette semaine entre le chef du gouvernement et le secrétaire général de l'Ugta». Celle-ci aurait sans doute pour finalité de mettre la touche finale au dialogue social, dans le plein sens du terme, dont l'ouverture doit se faire dès l'adoption du programme par les deux chambres du parlement. Nous avons, ainsi, confirmé que même si aucun calendrier précis n'a encore été défini, des rencontres bipartite, puis tripartite, auront bel et bien lieu avant la fin de cette année. La bipartite, qui a toutes les chances de se tenir avant l'été, aura à se pencher sur les questions qui concernent surtout les employés de la fonction publique, le statut général lié à ce corps spécifique, mais aussi le fameux article 76-bis de la loi 90-11 qui fait que les hausses dans le Smig ne profitent pas de la même manière à tout le monde. D'entrée de jeu, nos sources nous disent que «l'ensemble de ces points sont pratiquement réglés d'avance, comme du papier à musique, conformément aux instructions très strictes du président de la République». Reste quand même que la rencontre aura également à s'appesantir sur les décisions de justices rendues en faveur des travailleurs et qui n'ont jamais été appliquées, mais aussi sur les salaires impayés. Sur ce point précis, le courant risque fort de ne pas passer puisqu'à chaque fois que l'Ugta rencontre les pouvoirs publics autour de ces questions les promesses les plus fermes sont faites, sans qu'aucune d'entre elles ne soient jamais tenue. Rien n'indique, comme le pensent des sources proches de l'Ugta elle-même, que les choses changeront cette fois-ci, à moins que le président Bouteflika en personne ne décide de s'impliquer et de prendre en charge ces dossiers, dont certains traînent depuis presque une dizaine d'années. La tripartite, qui pourrait fort se tenir à la rentrée sociale, voire à l'approche de la fin de cette année, consacrerait une nouvelle hausse, significative, dans le Snmg. Celui-ci passerait, selon toute vraisemblance, à 12.000 dinars. L'Ugta, qui prépare activement l'ensemble de ces dossiers, et qui a l'intention de profiter au maximum de cette conjoncture favorable, compte réunir son état-major dans le courant de cette semaine en vue d'y mettre la touche finale. Un grand assainissement organique est également à l'ordre du jour afin de renouveler l'ensemble des mandats et de permettre aux travailleurs, souvent désabusés, de choisir enfin librement et démocratiquement leurs représentants au sein de ce syndicat.