L'émissaire américain pour le Proche-Orient a rencontré les responsables israéliens et palestiniens. Pour quelle avancée? La tournée dans la région entreprise par le secrétaire adjoint américain, chargé du Proche-Orient, William Burns, qui a rencontré mardi et hier, successivement, les Premiers ministres, israélien, Ariel Sharon, et palestinien, Mahmoud Abbas, apparaît sinon comme inutile, à tout le moins inapproprié du fait que les Etats-Unis ne soient toujours pas décidés à faire les pressions opportunes et nécessaires afin d'amener Israël à respecter ses engagements et obligations vis-à-vis du processus de paix. Après avoir rencontré M. Abbas à Amman, William Burns a affirmé que «les Etats-Unis sont engagés envers la paix au Proche-Orient et déterminés à appliquer la - feuille de route -», indiquant en substance «Du côté des Palestiniens, il est très important qu'il n'y ait qu'une seule autorité assurant la loi et la sécurité et que les auteurs des actes de terrorisme et de violence soient empêchés de les commettre», ajoutant «Les terroristes ne devraient pas avoir la possibilité de menacer le processus de paix». Certes, cependant le discours de M.Burns pèche par au moins deux omissions et des raccourcis fâcheux. Omissions, lorsqu'il feint d'ignorer que la seule autorité légale dans les territoires palestiniens est celle du président élu, Yasser Arafat, -que les Américains ont décidé de marginaliser-, effectivement la seule «autorité assurant la loi et la sécurité», comme n'a pas manqué de le souligner à maintes occasions, Mahmoud Abbas. La deuxième omission de l'émissaire américain, c'est lorsqu'il semble rendre les Palestiniens seuls responsables de la violence qui met à mal le processus de paix, ne soufflant mot de la violence israélienne contre la population palestinienne induite hier encore par la démolition de maisons des familles des kamikazes auteurs des attentats-suicide de lundi. Employant le même langage que les Israéliens, M.Burns parle de terrorisme niant ainsi la qualité de militants, pour la libération des territoires occupés, des résistants palestiniens. Ce qui est un raccourci fâcheux pour quelqu'un qui se veut impartial et «déterminé» à trouver une solution équitable au contentieux proche-oriental. L'émissaire américain parla haut et fort hier avec le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, lui présentant ses exigences, occultant en revanche les résultats de ses entretiens avec Sharon. En effet, rien n'a filtré de l'entrevue que M Burns eut mardi avec le chef du gouvernement israélien. Pourtant, ces dernières semaines, les Israéliens ont multiplié les provocations comme la poursuite de la construction du mur, le raid contre Naplouse, vendredi, la démolition des habitations palestiniennes, refusant de se retirer des villes palestiniennes réoccupées. A croire qu'Israël n'est en aucune manière concerné ou engagé par les restrictions induites par le processus de paix, que les obligations de la «feuille de route» s'adressent et ne s'appliquent qu'aux seuls Palestiniens. Ce qui laissera entendre que la «feuille de route» ne serait en fait que le moyen de démanteler la résistance palestinienne, de désarmer les militants palestiniens, permettant à Sharon d'imposer son concept de paix israélienne qu'il veut imposer aux Palestiniens. Ce que ces derniers refusent à juste raison. Aussi, à quoi a bien pu servir la tournée de l'émissaire américain si ce n'est d'accentuer la pression sur les Palestiniens? Au plan sécuritaire, il semble que Palestiniens et Israéliens tentent de calmer le jeu après l'escalade provoquée par le raid de l'armée israélienne d'occupation contre le camp de réfugiés d'Askar à Naplouse. Ainsi, Abdelaziz Al-Rantissi, un dirigeant de Hamas a affirmé hier que son mouvement demeurait «engagé par la trêve» se réservant toutefois le droit «de riposter à toute agression israélienne». Dans la journée d'hier, un haut responsable de la présidence du Conseil israélien déclarait à la presse qu' «Israël reste engagé dans le processus de paix et veut éviter une escalade de la violence», au moment même où des bulldozers de l'armée d'occupation s'attelaient à démolir les maisons des familles des kamikazes, auteurs des attentats-suicides, allongeant ainsi la liste des habitations palestiniennes détruites, ces derniers mois dans la pure tradition des expéditions punitives. Identifiés comme terroristes par Israël, l'assassinat des Palestiniens, la destruction de leurs maisons, de leurs oliveraies, ne constituent pas pour les stratèges israéliens, et même américains, une violence susceptible de nuire à l'instauration de la paix. En un mot, la violence, qui reste un obstacle sérieux au processus de paix, quand elle est le fait des Palestiniens, n'est plus rédhibitoire dès lors que ce sont les Israéliens qui en sont la cause. Voilà un concept assez bizarre qui absous le s de l'occupant israélien pour mieux condamner la résistance du peuple palestinien à l'occupation. Alors quelle paix veut promouvoir la «feuille de route»? Les parrains du processus de paix ne peuvent pas faire l'impasse sur ce questionnement d'autant plus que tout semble fait pour conforter le fait accompli israélien dans les territoires palestiniens.