Un contentieux loin d'être négligeable lie le directeur de L'Expression au principal artisan de ces suspensions politiques. En 1994, au milieu du printemps, Ahmed Fattani, qui était à la tête du journal Liberté, à l'apogée de sa puissance médiatique, avait été écoeuré par l'aisance avec laquelle un criminel comme Anouar Haddam occupait les devants de tous les médias occidentaux et arabes, à commencer par les télévisions satellitaires. Il était planqué en Virginie et balançait des contre-vérités qui faisaient à l'époque, beaucoup de mal à l'Etat algérien et aux autorités de l'époque. L'actuel directeur de L'Expression s'était alors demandé comment un homme seul, sans ressources visibles, pouvait agir avec une telle efficacité alors que dans le même temps, notre chancellerie de Washington, occupée à l'époque par Nouredine Yazid Zerhouni, laissait faire, ne prenait jamais la peine de riposter, d'expliquer ce qui se passait réellement en Algérie. Le concerné qui occupe en ce moment le poste de ministre de l'Intérieur et qui est le principal artisan du complot visant à faire taire six parmi les principaux titres de la presse nationale, avait pourtant l'expérience, les moyens humains, matériels et financiers pour éclipser un homme comme Haddam, dont la hardiesse l'avait conduit à revendiquer, en toute impunité, le sanglant attentat du boulevard Amirouche. Ahmed Fattani n'avait pas le moindre compte à régler avec cet ancien diplomate, puisqu'il était juste animé par des sentiments patriotiques tels qu'il ne pouvait supporter en silence de voir ternir l'image de marque de notre pays, qui plus est, par des terroristes et des assassins. Preuve en est que l'ancien directeur de Liberté s'en était pris à la même époque à notre chancellerie à Bonn où les islamistes algériens faisaient également beaucoup parler d'eux. Yazid Zerhouni a fini par être rappelé à Alger par l'ancien président, Liamine Zeroual, alors que lui et le ministre des Affaires étrangères, Salah Dembri avaient déposé plainte contre Ahmed Fattani. Ce dernier nous raconte que le plaignant avait justifié sa passivité par le fait qu'il n'avait jamais reçu d'instruction pour agir ou bien réagir. Ce à quoi, il fut répondu que celui qui aime réellement son pays n'attend pas qu'on lui dise de réagir devant tout le mal qu'il subissait dans la plus totale impunité. Le magistrat s'était mis du côté de l'ancien directeur de Liberté puisqu'une relaxe pure et simple a été ordonnée. Zerhouni, revenu plus fort que jamais, sous le règne de l'actuel Président Bouteflika, n'a sans doute pas oublié cet «incident». D'autant que notre journal, dont Ahmed Fattani est le directeur-fondateur, a ouvert ses colonnes au responsable du Matin à propos du conflit qui l'oppose au ministre de l'Intérieur en poste. Difficile de faire admettre à un homme, qui pense qu'un bon journal est un journal qui marche au pas ou bien un journal mort, que notre démarche ne reposait que sur le devoir d'informer, d'ouvrir nos colonnes à tous les sons de cloche, y compris à Zerhouni qui, jamais, n'a été censuré, afin que le lecteur soit correctement et complètement informé. Le ministre de l'Intérieur, à travers cette démarche, cherche manifestement à solder ses comptes avec quelqu'un dont le tort aura été de souvent dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas...