Grosse consommatrice des titres de presse, la Kabylie s'est réveillée hier, avec cette nouvelle de la possible suspension déguisée en mobile financier de six titres de la presse nationale. Les citoyens n'en revenaient pas! Le bureau de Tizi Ouzou a été inondé d'appels de lecteurs qui ne comprennent pas que le pouvoir puisse aller jusqu'à cette ultime décision. Pour tous, il s'agit de «punir la presse pour son indépendance et son refus d'obéir aux officines qui recherchent une presse aux ordres!» Il semble que les citoyens sont désabusés, car la majeure partie affirme: «Quand quelqu'un a tort, il sort alors l'arme du bâton. Dans ce cas précis, il ajoute le bâillon!» Après avoir assuré la famille de la presse de son soutien agissant, la population de la région et notamment les lecteurs, nous encouragent à persévérer dans «cette voie certes, difficile, mais combien noble, de l'information vraie!» Et certains d'ajouter: «S'il faut que six journaux meurent pour que la liberté de la presse soit un jour, réelle dans notre pays, et bien, si c'est le prix à payer...» Mais tout de suite après de préciser: «Le pouvoir se trompe encore une fois, ce n'est pas en utilisant l'argument du bâillon qu'il peut gagner la confiance populaire!» Les citoyens de plus en plus nombreux à faire confiance à notre jeune presse, ne pardonnent certes pas les écarts de certains journalistes, mais se refusent à ne plus retrouver sur les étals leurs quotidiens préférés! C'est en effet, grâce à la presse privée que les problèmes des populations sont portés à la connaissance des autorités. Les jeunes journalistes, souvent sans moyens aucuns, vont dans les localités les plus reculées du pays pour recueillir le vécu des citoyens. Il y a eu des moments, il y en a et il y en aura dans l'avenir, où seul le journaliste est avec le citoyen qui souffre, l'élu qui a besoin de transmettre un message, le quartier qui se bat et les organisations tant nationales que locales qui cherchent à promouvoir la démocratie et les droits de l'Homme. Le journaliste qui ne sait finalement que rapporter l'événement et non le créer, risque ainsi, de perdre son pain quotidien. Cette suspension ne punit en fait que les petits. Les patrons, eux, peuvent très bien attendre des jours meilleurs. Les tayabates el-hammam, comme disait le candidat d'avril 1999, sont-ils aussi dangereux que cela? A moins que le pouvoir se refusant à voir la fièvre décide de casser le thermomètre. Que les lecteurs se rassurent, si nous sommes suspendus ces jours-ci, nous reviendrons plus forts et aguerris.