Attentats et sabotages sont autant d'actions qui mettent les Américains sur la défensive. La résistance irakienne ne laisse aucun répit à la coalition américano-britannique par des attaques tout azimut, immobilisant des actions de police peu efficaces et surtout sans lendemain. L'ennemi des Américains et des Britanniques n'a pas de visage mais, même s'il semble disposer de peu de moyens, a beaucoup de suite dans les idées. L'attentat, vendredi, contre l'oléoduc Kirkouk-Ceyhan (port pétrolier turc) est un coup d'éclat contre l'exportation de brut irakien, qui est vitale pour l'administration américaine. De fait, ces attaques avaient à plusieurs reprises perturbé l'acheminement du naphte irakien vers le terminal turc. L'incendie de l'oléoduc, saboté vendredi par une charge explosive, faisait encore rage hier et, selon les premières estimations, sa remise en état nécessiterait au minimum un mois. Outre l'immobilisation de l'exportation de quelques 250.000 barils quotidiens vers le terminal turc, il y aura également un manque à gagner qui commence à chiffrer. Selon l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, «les dégâts de l'oléoduc nous font perdre sept millions de dollars par jour.» Sur le terrain, les échanges de tirs se multiplient avec leurs lots de morts et de blessés. De fait, samedi, pour la première fois en Irak, un soldat étranger, un danois du contingent de la force de stabilisation de la coalition, a été tué par balles lors d'un accrochage avec des militants irakiens. Deux attaques aux RPG ont été menées hier, l'une contre la prison d'Abou Gharib, ouest de Bagdad, ayant occasionné la mort de six détenus et en en blessant 59 autres, l'autre, un sabotage contre une conduite d'eau dans le secteur de Rassafa privant d'eau plus de 300.000 personnes et inondant ce populeux quartier de l'est de Bagdad. Au plan politique, les Chiites s'impatientent et réclament le «départ» des Américains, lesquels, selon eux, ont échoué à «pacifier» l'Irak. Selon un représentant de la Marjaâ, «l'Amérique ne veut pas reconnaître qu'elle est incapable de contrôler la situation et ne peut reconstruire l'Irak.» Si la hiérarchie chiite freine de tout son poids pour éviter les débordements, la base, en revanche, s'impatiente et semble prête à en découdre. Autant dire que la situation demeure très précaire et peut échapper à tout contrôle, à tout moment. Pour ajouter à la confusion qui règne à Bagdad et au moment où le Conseil transitoire se cherche une crédibilité opportune, l'un de ses membres «éminents», Ahmed Chalabi, se trouve sur la sellette. En effet, 21 députés jordaniens ont rendu publique une motion dans laquelle ils demandent l'intervention d'Interpol afin de livrer à la Jordanie Ahmed Chalabi, qui reste sous le coup d'une condamnation en 1989 à une peine de 22 ans de prison pour détournement à la banque Pétra dont il était alors le directeur. Un autre mauvais coup pour les Américains dont leur protégé traîne une réputation sulfureuse...Par ailleurs, les à-côtés de la guerre sont livrés au compte-gouttes, comme les révélations que vient de faire un diplomate américain qui a démissionné de son poste pour protester contre la guerre. Brady Kielsing, conseiller politique à l'ambassade des USA à Athènes, accuse le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, d'avoir contraint le «très faible» président Bush à la guerre, indiquant: «Le président Bush, un homme politique qui souhaite vivement apparaître fort, mais qui est en réalité très faible (...) a été conduit par la main à la guerre.» Selon le diplomate américain, «M.Rumsfeld a gagné un combat bureaucratique très intelligent (...) Il a marginalisé le monde des services secrets qui avait des réticences et il a sacrifié la légitimité internationale des Etats-Unis pour remporter la première place à Washington». Aussi, selon lui, plus les USA resterons en Irak, plus «la résistance à la présence américaine va devenir une source de légitimité pour les extrémistes.»