Abou Mazen peine à s'imposer face à Sharon au moment, où il n'arrive pas à démarquer son pouvoir de celui du président Arafat. La spirale de la violence s'est réinstallée au Proche-Orient singulièrement du fait d'Israël qui a repris ses raids sanglants contre les villes palestiniennes soumises en outre à un couvre-feu draconien. Ces représailles à grande échelle s'accompagnent d'assassinats ciblés. En effet, depuis la rupture de la trêve, le 19 août, en moins d'une semaine, une dizaine de Palestiniens ont été les cibles d'opérations héliportées, laissant plusieurs morts sur le terrain, parmi lesquels deux dirigeants du mouvement Hamas, Ismail Abou Chanab, responsable politique, et Ahmed Chtaoui, un chef militaire de la branche militaire du mouvement. Représaille , s, intimidations de toutes sortes, Israël a mis en branle tout son arsenal militaire, avec des chars, des blindés - plus de vingt cinq ont pénétré hier à Jénine - d'hélicoptères de combat, de bombardiers F15 et F16, mettant une terrible pression sur les territoires occupés pour soumettre davantage un peuple qui commet le crime de résister à l'oppression et à l'occupation. Mardi soir, ce sont des hélicoptères de combat israéliens qui ont bombardé le camp de réfugiés palestiniens de Djabaliya à Ghaza. A défaut d'autre chose, le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas a condamné ce raid héliporté contre Djabaliya, estimant que «la politique brutale de ce gouvernement (israélien) nous conduira dans le cercle vicieux de la violence. Israël doit comprendre qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien». M.Abbas parle, pour ainsi dire, pour rien, lorsque Israël estime sans doute que le Premier ministre palestinien n'est qu'un simple auxiliaire sécuritaire dont il attend de lui une seule chose: le désarmement et le démantèlement des mouvements de résistance palestiniens. Ce que réitère avec morgue, Sylvan Shalom, le ministre israélien des Affaires étrangères lorsqu'il indique: «Nous attendons toujours qu'il (Mahmoud Abbas) tienne ses engagements et démantèle les organisations terroristes (...) Nous nous en chargeons aussi longtemps que l'Autorité palestinienne ne fera rien», ajoutant: «C'est une décision stratégique». Israël a donc fait le choix stratégique, de ne pas dialoguer avec ceux qui se battent, et de n'accepter que la reddition des résistants palestiniens et la soumission de l'Autorité palestinienne à son diktat. C'est dans cette atmosphère viciée que recommence le bras de fer entre Mahmoud Abbas et Yasser Arafat qui n'arrivent pas à s'entendre sur les prérogatives de l'un et de l'autre sur les services sécuritaires. Services de plus en plus clé du dossier palestinien. Il y a semble-t-il deux conceptions qui s'opposent, celles préconisée par le Premier ministre Mahmoud Abbas, qui à l'évidence semble plier sous la pression conjuguée des Américains et des Israéliens, et celle conduite par le président Arafat. M.Abbas, sous la pression des Etats-Unis et d'Israël semble prêt à faire des services de sécurité de l'Autorité cet auxiliaire que veut Israël pour faire la chasse aux résistants et aux militants des mouvements palestiniens, comme le montre le discours conciliant de Mohamed Dahlane, ministre délégué à la Sécurité du gouvernement Abbas. Cette conception est à tout le moins défaitiste et ne répond pas - selon des proches de Yasser Arafat - à la lutte pour l'érection de l'Etat palestinien. Aussi, le président Arafat, rejette-t-il, en guise «d'indépendance», cet alignement en nommant Jibril Rajoub, ancien chargé de la sécurité à Ghaza, en tant que conseiller à la sécurité. De fait dans un communiqué de la présidence palestinienne, il est indiqué que «le Conseil national de sécurité (que préside M. Arafat) sera chargé de restructurer l'ensemble des services de sécurité (....) et superviser et coordonner les relations entre l'Autorité et le Quartette (ONU, UE, USA et Russie). En réalité, les priorités telles qu'envisagées par les uns et par les autres divergent du tout au tout. Ainsi, Israël et les Etats-Unis voient les choses sous le seul angle de la lutte contre le terrorisme, lorsque les Palestiniens estiment que la priorité reste d'abord le retrait israélien des territoires palestiniens occupés, la mise en oeuvre d'un plan de paix garantissant la crédibilité du futur Etat palestinien. Les objectifs des Israéliens et des Américains semblent eux se suffire de la neutralisation du «terrorisme» palestinien, ce qui est en fait inacceptable pour l'ensemble des mouvements de résistance palestiniens de même qu'aux yeux du président Arafat. De fait, réagissant à la nomination de Jibril Rajoub, la Maison-Blanche a clairement désapprouvé ce choix, comme l'indique sa porte-parole, selon laquelle, «cette initiative sape les espoirs de paix et d'un Etat palestinien qui puisse vivre aux côtés d'Israël dans la paix et la sécurité». Que reproche Washington à Jibril Rajoub? En fait, il lui est reproché de jouir d'une «réputation de nationaliste intransigeant», en d'autres termes un vrai «patriote», une qualité dont s'enorgueillissent les Américains qui l'exhibent comme une marque déposée, et que les Israéliens mettent en avant à tout bout de champ, mais qui devient rédhibitoire dès lors qu'elle met en exergue la valeur d'un Palestinien, alors que l'on attend des Palestiniens uniquement la soumission, non des valeurs telles que le nationalisme, le patriotisme, le courage de défendre leurs droits. De fait comme vient encore de l'indiquer la porte-parole de la Maison-Blanche, Claire Buchan, l'érection d'un Etat palestinien est quasiment conditionnée par la soumission des Palestiniens à Israël, puisque la diplomate américaine lie l'existence de l'Etat palestinien au démantèlement des mouvements de résistance, qui restent aux yeux des seuls Israéliens et Américains des «terroristes». Ce n'est pas ce genre de prises de position qui va permettre la mise en oeuvre rapide de la «feuille de route» plan de paix international, et restaurer un tant soit peu la concorde entre les communautés juive et arabe du Proche-Orient.