«Cette démarche des pouvoirs publics constitue un fait grave, un empiétement et un non-respect de l'institution et une violation de la loi.» C'est ainsi que le syndicat des douanes, section Ugta, vient de qualifier l'immixtion d'une autre institution républicaine dans les prérogatives et le champ d'action de l'administration douanière dans un communiqué rendu public dans lequel il interpelle le directeur général des Douanes, M.Sid-Ali Lebbib, l'opinion publique et les pouvoirs publics, sur l'affaire concernant le directeur du Matin, M.Benchicou, soupçonné par les services du ministère de l'Intérieur d'avoir transféré illégalement des capitaux vers l'étranger. Tout en apportant son soutien et sa solidarité à toute la presse de manière générale en particulier à tous les quotidiens frappés par la mesure arbitraire de suspension, le syndicat des douanes, en sa qualité de représentant légitime des travailleurs, tient à dénoncer «l'immixtion d'une autre institution républicaine dans les prérogatives et le champ d'action de l'administration des Douanes». Une attitude que le syndicat des douanes qualifie «d'empiètement flagrant des prérogatives des Douanes et de non-respect du fonctionnement des institutions de la République». En outre et après avoir pris connaissance de la supposée infraction à la législation des changes commise par le directeur du quotidien Le Matin, le syndicat use du droit que lui confèrent les lois de la République pour attirer l'attention des pouvoirs publics de l'opinion publique en général qu'en application de la loi «ne peut être constitué une infraction ou un délit à la législation douanière que si la personne concernée s'est présentée à un bureau de Douanes, s'est acquittée des formalités douanières requises et ayant répondu négativement à la question d'usage et obligatoire: ‘‘Qu'avez-vous à déclarer?'' chose qui n'est pas le cas dans cette affaire.» Pis encore, le syndicat s'insurge contre les mesures prises par les services de Zerhouni de déposer plainte contre le directeur du Matin sans établissement du «dossier contentieux qui constitue la seule et unique base légale pouvant entraîner une action en justice». Or, selon le syndicat des douanes «en matière de répression des fraudes, en particulier les infractions à la législation des changes, celles-ci relèvent exclusivement des prérogatives de l'administration des Douanes». D'ailleurs la direction générale des Douanes, saisie par le syndicat, a affirmé qu'«après avoir étudié les tenants et les aboutissants de cette affaire, estime de manière claire et nette à notre organisation qu'il n'y avait aucun manquement à la réglementation et encore moins à la législation relative aux changes dans la mesure où M.Benchicou n'a même pas atteint les bureaux des douanes pour faire sa déclaration ainsi que les formalités des douanes requises.» Les Douanes, faut-il le préciser, sont les seules habilitées à constater ce genre d'infraction et déposer plainte pour fraude fiscale. Or devant l'absence de document plausible, il n'est point possible d'ester M.Benchicou. «Sans le rapport des douaniers qui auraient pu constater le délit, il n'y a point de plainte possible», atteste une source syndicale des douanes qui renchérit: «Même l'action de justice entreprise par le ministre des Finances est caduque puisqu'elle n'est pas soutenue par un rapport établi par les éléments de la douane, seuls investis de prérogatives à signaler ce genre de contravention.» Selon certaines sources, les responsables des Douanes auraient transmis une correspondance au Chef du gouvernement dans laquelle ils dénoncent et expliquent cette situation qui constitue un précédent dans les annales juridiques du pays «leurs agents n'ont pas constaté et encore moins signalé une infraction et, par voie de conséquence, la direction des douanes ne peut se porter partie civile». Pour le syndicat des Douanes «la police des frontières n'a aucune prérogative pour mener ce genre d'investigations.» En outre, les services du contentieux des douanes ont affirmé que «le ministre des Finances n'a aucun droit de déposer une plainte en substitution à notre institution seule habilitée à apprécier la nécessité d'engager une procédure judiciaire». Pour rappel, il est reproché à M.Benchicou d'avoir tenté de faire fuir des capitaux à l'étranger. Un délit que le juge d'instruction chargé de l'affaire a récusé dans le fond et dans la forme. En effet, la police de l'aéroport, qui a procédé à la fouille de Benchicou, n'a constaté aucune infraction à la réglementation des changes. Ses éléments ont procédé de fait à la restitution des bons de caisse et de son chéquier au directeur du Matin. Revenant sur la suspension ayant frappé six quotidiens nationaux sous le motif fallacieux de commercialité, le syndicat a tenu à exprimer «toute sa désapprobation et dénonce avec véhémence cette atteinte à la liberté de la presse qui ne vise ni plus ni moins que le musellement de cette presse libre dont les sacrifices qu'elle a consentis pour que le pays reste libre et démocratique ne sont plus à démontrer». Enfin le syndicat a tenu à saluer la position exprimée, à cet effet, par le secrétaire général de l'Ugta, M.Madjid Sidi Saïd «une position qui s'inscrit en droite ligne dans son combat pour une Algérie libre, démocratique et républicaine».