L'article 13 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 évoque sans équivoque une peine d'emprisonnement. Maître Tahar Boukhari, l'avocat à la barbe rousse, défend un inculpé de détention, d'usage et de commercialisation de stupéfiants. S'appuyant sur une béquille, Rabah A., trente ans, suit la longue et détaillée intervention de son avocat qui est allé dans les profondeurs de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 tout en s'appuyant (là-aussi) sur le témoignage tronqué de l'indic de la police judiciaire. «Madame la présidente, on ne nous dit pas sur le procès-verbal d'audition des parties que celui qui venait de débarrasser de la came à la vue de la patrouille, était un handicapé», s'est écrié le conseil qui était revenu sur le mode de l'interpellation de son client en précisant: «Pourquoi donc le suspect a-t-il paniqué et jeté la drogue à la seule vue des policiers? Pourquoi aucun policier n'a vu la béquille sur laquelle s'appuyait le suspect?» Samira Ayadi, la juge du pénal de Hussein-Dey (cour d'Alger) a patiemment suivi la plaidoirie. Seul Ali le faisait avec la peur au ventre de voir se «prolonger» le séjour aux «Quatre Ha», surtout que le rigoureux Nouredine Sayeh, le procureur avait requis la peine de prison ferme de cinq années et d'une amende ferme de 20.000 dinars sans commentaire pour le représentant du ministère public rompu à ces rudes comparutions de drogués ou de petits dealers prompts à ruer dans les brancards dès qu'il s'agit pour eux de subir les foudres de l'article 13 de la loi n°04-18, relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotiques.» Et l'article 13 évoque sans équivoque une peine d'emprisonnement ferme de deux à dix ans et d'une amende de 100.000 à 500.000 dinars pour celui qui cède ou offre de manière illicite de la drogue sous toutes ses formes en vue d'une consommation personnelle. Ce n'est pas un cadeau, loin de là. Et c'est même rugueux comme article. «Madame la présidente, on vous a écrit sur le procès-verbal que l'inculpé s'était débarrassé du poison à la seule vue de la voiture radio. Mais ce qu'on ne vous dit pas, ici, dans ce dossier, c'est qui l'a vu, à part les policiers? Car, mon Dieu, s'il avait voulu vainement s'en débarrasser, il l'aurait jeté à plusieurs dizaines de mètre, pas à ses pieds. Deux grammes, zéro six de drogue, aux Jeux olympiques!», a ajouté l'avocat de Hussein-Dey qui avait longtemps insisté sur le doute. Le doute! c'est ce qui tue les magistrats honnêtes, compétents et surtout les courageux! où est donc le temps où le parquet dominait la police judiciaire et le juge du siège travaillait dans la sérénité? «On l'a fait ou on ne l'a pas fait!», a conclu Maître Boukhari qui a supplié Ayadi dans un bon jour de bien réfléchir avant de «saquer» ce pauvre malheureux d'handicapé physique. Nouredine Sayeh sourit. Il rit même sous cape. Il sait qu'en réclamant cinq ans d'emprisonnement ferme, ce n'est pas pour des petits pois...chiche! Il sait par expérience acquise sur le pupitre du tribunal de Sidi M'hamed Alger, la gravité du fait d'offrir ou de céder de la came... L'avocat avait surpris le regard sec de Sayeh lequel, par la faute de sa paire de lunettes de vue toute blanche, laisse croire que le représentant du ministère public est vitreux? Non, Noureddine Sayeh a un regard clair, net, sans bavure. Entre-temps, le détenu avait dit son amertume en guise de dernier mot que la loi lui accorde. Ayadi réajuste son beau foulard au-dessus de ses sourcils, annonce la mise en examen pour une semaine l'affaire, histoire de faire réfléchir l'amateur de came. Cependant, la juge n'avait pas fini avec le rôle. Loin de là: ce dimanche est vraiment le dernier de novembre 2011. Est-ce prémonitoire? Est-ce que décembre va être le mois où il y aura moins d'inculpés de trafic de drogue? Seul l'avenir nous le dira...