Adnane R. est un jeune inculpé de détention et usage de stup. Il jure que la came a été trouvée à même la chaussée par les policiers d'Alger... Zerrouki, ce vieux «Renard» du Palais de justice pouvait très bien chercher un trou de «souris» à traverser en vue d'étaler, face à la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Sidi M'hamed, Alger, de larges circonstances atténuantes et donc demander si possible la clémence du tribunal. Non. L'avocat va travailler en deux temps : suivre assidûment l'interrogatoire de son client et ne plaider que le droit pur en s'appuyant sur la lucidité de madame la juge, enhardie ce mardi. Debout à côté de son codétenu, Adnane est serein. Il se défend comme un beau diable. Encouragé probablement par son conseil sur le fait de ne répondre qu'aux questions, le jeune détenu s'en sort admirablement. Il n'ouvre la bouche que pour répondre à la magistrate. Cette dernière a mené de main de maître les débats d'où sont nées des incohérences et beaucoup de contradictions avec le PV de la PJ. Et même celui du parquet dont la jeune représentante de ce jour a passé sous silence de larges pans. Les deux inculpés ont constamment soutenu et ce, à tous les niveaux du dossier que la came avait été ramassée par la police en ronde dans le quartier, en pleine artère Khelifa Boukhalfa. S'adressant au client de Me Zerrouki, la présidente demande s'il sniffait. «Oui, madame». L'avocat lève les mains et lâche: «Franc et sans détours». La juge hausse les épaules pour cette pertinente remarque et redemande aux inculpés si, au moment de l'arrivée des policiers, ils avaient les joints aux lèvres. La réponse est non, suivie par: «La drogue était par terre. Nous ne l'avons même pas vue. Car si cela avait été le cas, on s'en serait débarrassé même en l'avalant. Les policiers n'auraient vu que du feu.» Le client est toujours serein. Ses réponses sont courtes et claires. Il ne bronchera même pas lorsque mademoiselle le procureur requiert six mois de prison ferme et une amende de mille dinars chacun. Me Med Zerrouk Zerrouki saute à deux pas de madame la présidente et plaide le droit puis le droit et enfin le droit, convaincu que ce dossier est vide. Il félicite d'abord la juge pour avoir dominé de la tête et des épaules les débats. «Votre appréciation, la qualité et la maîtrise dont vous avez fait preuve me poussent à être bref et je me limiterai à demander la relaxe car vous aviez appris de la bouche de mon client et son copain l'absence de détention corporelle et d'utilisation buccale de la drogue». Il ne restait plus aux deux détenus qu'à dire le traditionnel dernier mot que la loi a prévu: «Nous nous droguions, mais pas ce soir-là». Une semaine plus tard, madame la présidente du pénal lit le verdict: le doute a fait que la relaxe a été prononcée. Me Zerrouki sort un cigare et se dirige vers la salle des «Pas perdus», tout en souriant en direction des frais libérables.