Devant la persistance des agressions contre la presse, les éditeurs de neuf journaux ont décidé d'une journée «sans presse» pour demain. Face à cette cabale sans précédent dont fait l'objet la presse indépendante, les éditeurs ont décidé de passer à l'action afin de dénoncer le caractère arbitraire et illégal des arguments avancés par les pouvoirs publics. En plus d'une journée sans presse, plusieurs actions ont été retenues par les éditeurs, entre autres, l'organisation d'un forum pour les libertés regroupant les forces sociales et politiques et des déplacements de délégations auprès d'organisations internationales pour -les alerter sur la gravité des atteintes aux libertés en Algérie-. En outre, un rassemblement est prévu pour demain à la maison de la Presse Tahar-Djaout. En effet, la réunion qui a regroupé, le 13 septembre, à la maison de la Presse, les directeurs de 9 journaux (Le Matin, El Khabar, El Watan, Liberté, Le Soir d'Algérie, L'Expression, El-Fadjr, Akher Saâ et Er-Raï), est sanctionnée par une déclaration où ils ont fait part de leur décision d'-entamer une série d'initiatives de riposte et de sensibilisation de l'opinion nationale et internationale-. Cette décision est motivée par -la persistance de ces agressions contre la presse nationale et la liberté d'expression en Algérie-, souligne Malika Boussouf, directrice de rédaction au Soir d'Algérie. Continuant sur sa lancée, elle déclare que «cette journée sans presse sera une forme de protestation contre le pouvoir qui tente de museler la presse et de mainmise sur elle». Le même avis est largement partagé par l'ensemble des éditeurs qui ont appelé à une journée sans presse. A ce sujet, Redha Bakkat du quotidien El-Watan souligne que «c'est une forme d'action unique pour riposter concrètement au pouvoir dans sa tentative d'atteinte à la liberté d'expression qui est une donne essentielle de la démocratie». En outre, il tient à préciser que «cette journée ne sera pas seulement celle de la presse indépendante mais bel et bien celle de la société civile du fait que les délégués des archs et des enseignants ont été tabassés et internés». Abondant dans le même sens, Rachid Mokhtari du journal Le Matin précise que «c'est dans ce sens que la Cicb organise une marche de soutien à la presse indépendante à El-Kseur pour dénoncer l'atteinte aux libertés fondamentales telles que garanties par la Constitution». D'ailleurs, la société civile a exprimé son soutien à la presse et a largement dénoncé les pratiques antidémocratiques du pouvoir, a tenu à le rappeler Redha Bekkat. Pour le directeur de L'Expression, Ahmed Fattani: «L'Algérie n'a rien à gagner en engageant de fausses batailles contre sa propre presse et en foulant aux pieds des libertés chèrement acquises. Le monde entier a maintenant les yeux rivés sur cette partie de bras de fer pouvoir-presse.» Un rapport qu'il faudra redéfinir dorénavant tout autant que le «code pénal-bis» souligne Bekkat. Malheureusement, cette démarche n'a pas été du goût de tous les éditeurs qui s'estiment marginalisés par les initiateurs de cette démarche. Ce à quoi Malika Boussouf et Ahmed Fattani répondent: «C'est une diversion que ces gens tentent de faire pour briser l'élan de solidarité», avant de préciser que «le communiqué reste ouvert à tous les défenseurs des libertés démocratiques» tout en ajoutant que «ces gens-là ne sont pas en mesure de transcender les problèmes personnels». A l'opposé, Hada Abda-Hezame, directrice du quotidien arabophone «El-Fedjr» se fait un point d'honneur de prendre part à cette journée de protestation même si son journal n'est pas pour le moment concerné par une quelconque suspension. «Il est de mon devoir de défendre la liberté de la presse. Je combats pour un idéal», a-t-elle tenu à préciser. Pour elle: «Notre quotidien est sanctionné depuis sa naissance puisque les distributeurs de publicité n'ont jamais daigné regarder de notre côté ou très peu. Cette situation s'est aggravée depuis ma prise de position envers les quotidiens suspendus», avant de conclure qu'«il faut barrer la route au pouvoir actuel qui veut aller jusqu'à la fin de sa logique car si Bouteflika remporte un 2e mandat c'est la mort de la presse indépendante». Enfin, les éditeurs sont unanimes pour dénoncer les harcèlements que subit la presse depuis presque un mois. Un harcèlement qui se traduit par des convocations de la police auxquelles les journalistes avaient refusé de répondre. Ce refus de déférer aux convocations avait été décidé par sept quotidiens dont cinq n'avaient pu paraître ces dernières semaines en raison d'un litige financier les opposant aux imprimeries d'Etat. Ces journaux estiment que l'appréciation du délit de presse relève directement de la justice et non de la police judiciaire. Depuis plusieurs semaines, des responsables de journaux privés et des journalistes critiquant le Président Bouteflika sont convoqués par la police et la justice. Six journaux - Liberté, Le Soir d'Algérie, Le Matin, Er-Raï, L'Expression et El Khabar, avaient été sommés de payer leurs dettes par les imprimeries d'Etat qui refusaient de les imprimer depuis le 18 août.