Pour eux, la prolifération des titres et la multiplicité des lignes éditoriales ne doivent pas exclure un consensus minimum pour se poser en tant qu'interlocuteur. “Les deux mandats présidentiels précédents n'étaient pas la meilleure période pour la liberté de la presse dans notre pays.” Cette déclaration émane de plusieurs directeurs de publication de la presse indépendante interrogés à la veille de la Journée internationale de la liberté de la presse. Née dans la douleur des évènements du 5 Octobre 1988, la presse indépendante a connu plusieurs évolutions. Elle n'a pas manqué d'engagement politique lorsque le pays sombra dans le terrorisme. La presse avait porté haut et fort la défense de la République face à la menace de l'effondrement de l'Etat. L'association des éditeurs existait durant des années et avait pour rôle de défendre l'intérêt de la presse indépendante et être une force de dialogue avec les pouvoirs publics. Aujourd'hui, la relance de cette association est à l'ordre du jour, face aux défis auxquels doit faire face la corporation. “Il n'y a pas de moment pour relancer l'association des éditeurs. La question qui se pose est pourquoi cette association n'active pas ?” s'est interrogé M. Fouad Boughanem, directeur de publication du quotidien le Soir d'Algérie. Il estime que les problèmes de la presse algérienne ont été vécus à tous les niveaux et dans l'urgence. Il faut revenir à une période de normalité et trouver une base commune qui permettrait de s'asseoir autour d'une table et de débattre des sujets concernant la presse. “Durant les années de la tragédie nationale, l'association des éditeurs était une force solidaire contre les séries de suspensions qu'avaient connues plusieurs titres durant les années 1990-2000. Avec le nombre de quotidiens qui est arrivé à 76 et les différentes lignes éditoriales, il est devenu difficile de trouver un consensus pour continuer”, souligne Abrous Outoudert, directeur de publication de Liberté. Avant d'ajouter que la situation pourrait évoluer dans le bon sens : “Demain peut-être, avec les journaux devenus entreprises, la chose est permise.” De son côté, M. Omar Belhouchet, directeur de publication d'El Watan, estime que réactiver l'association des éditeurs “permettra de peser davantage dans les débats sur les questions économiques car les journaux sont extrêmement fragilisés. Il faut également s'organiser pour protéger la liberté de la presse”. Partageant les mêmes avis, Cherif Rezki, directeur de publication d'El Khabbar, a souligné que la corporation a pris du retard dans son organisation. “Nous avons besoin de l'association des éditeurs pour renforcer nos rangs et défendre mieux nos intérêts.” Evoquant très probablement les effets du “tout économique” sur la presse, le directeur de publication d'Ech Chourouk défend le redéploiement de l'association des éditeurs en affirmant qu'“aller vers cette association ne peut qu'unir nos forces afin de mieux défendre les intérêts d'une presse libre et indépendante dans cette époque où la liberté d'expression est souvent bafouée”. Au-delà des divergences de lignes éditoriales, il est temps que la presse algérienne transcende ses clivages et fasse face aux défis qui l'attendent en se dotant de structures socioprofessionnelles qui préservent les intérêts des journalistes avec tout ce que cela inclut en termes de conditions de travail. Si la mission de la professionnalisation de la presse incombe aux éditeurs en termes de moyens mis pour la promotion, la mise à niveau et le recyclage des journalistes, il n'en reste pas moins que les pouvoirs publics sont aussi responsables du strict respect de la liberté de la presse.