En organisant une réunion du staff dirigeant, le secrétaire général coupe court aux rumeurs qui enflaient. Ils étaient tous là : ministres, députés, sénateurs et membres du Comité central, accourus en force à l'appel du secrétaire général du FLN, Ali Benflis. Ce dernier, après avoir observé un silence, sans doute tactique, mais que d'aucuns ne comprenaient pas bien, a amorcé, en organisant une journée parlementaire, sa stratégie de riposte et de «containment» du «mouvement de redressement» mené par le groupe dirigé par le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem. Cette réunion qui intervenait quelques jours après l'appel à la désertion à la base du FLN, lancé par M.Belkhadem, a eu le mérite de remettre les choses à leur place et de beaucoup relativiser les ambitions du camp adverse. En fait, la classe politique nationale attendait avec curiosité la réaction du FLN légal, le comportement de ses militants, celle de ses édiles enfin, afin d'y voir plus clair et également pour accélérer une salutaire décantation du champ politique. Hier, au vu de la participation massive des députés et sénateurs FLN, en fait sur les 199 députés «frontistes» à l'APN, seuls 28 semblent avoir effectivement fait défection. Ce qui, en réalité, indique que les «redresseurs» ont sous-estimé le répondant et la position, à l'évidence très forte, d'Ali Benflis au sein du FLN. Le principal grief fait au secrétaire général du FLN par le «mouvement de redressement» a été d'avoir dévié de la «ligne authentique» du parti. Or, il apparaît à la lumière de la journée parlementaire organisée par le FLN que la présence massive de parlementaires, de ministres, de membres du Bureau politique et du Comité central témoigne, ou plutôt consacre, l'adhésion de la base et des militants du FLN à la ligne issue du VIIIe Congrès. Une ligne, faut-il le souligner, qui consacre l'indépendance de décision du vieux parti révolutionnaire. En réalité, le VIIIe Congrès consacre une nouvelle vision du rôle du FLN qui constitue une rupture de fait avec la notion «d'appareil» qui a permis depuis l'indépendance l'instrumentalisation du FLN en tant que machine électorale, appareil et machine qui ont fait leurs preuves, dont aucun candidat ne pouvait sérieusement se passer sans risque pour son devenir politique. Tout l'enjeu était en fait là. A Ali Benflis et au nouveau Comité central du FLN qui veulent faire du FLN un parti plus à l'écoute de la société, s'opposent ceux qui ne voient dans le vieux parti qu'un appareil rompu à faire gagner les élections du fait même de la notoriété de parti de la Révolution dont il se glorifie. Aussi, transformer le FLN est une gageure que beaucoup de ceux qui s'agitent autour de ce parti ne comprennent pas ou, sans doute, ne veulent pas comprendre, dans la mesure où la modernisation et la rénovation du FLN, -en le dépouillant des attributs qui l'ont jusqu'à présent handicapé-, leur enlèverait les atouts, qu'ils pensent gagner, eux qui ont toujours manipulé le choix citoyen. Et c'est bien là l'enjeu de la bataille autour d'un parti qui, nonobstant son passé de libérateur de la nation, n'a pas toujours été à la hauteur de sa mission en tant que parti politique. Aussi, Ali Benflis et son équipe veulent-ils restaurer un FLN plus proche de la réalité du vécu quotidien où les maîtres mots sont encore la défense des droits de l'Homme, de la liberté d'expression, de la bonne gouvernance, quand l'ambition de ses adversaires est prosaïquement celle de restituer au FLN sa «ligne authentique». Entendre, une ligne où chaque clan, -qui ont noyauté et transformé le FLN en machine de guerre (électorale)-, retrouve la place qui lui permet de perpétuer la prébende et la rente de situation. Dans ce match, à tout le moins insolite du FLN contre le FLN, Ali Benflis et son équipe semblent, hier, avoir marqué un point en démontrant, outre qu'ils tiennent bien la barre, que les militants de base, les instances dirigeantes du parti,-ministres, députés, sénateurs et comité central-, sont en parfaite concordance avec la ligne arrêtée par le VIIIe Congrès. En organisant la journée parlementaire, Ali Benflis démontre ainsi des capacités d'organisateur insoupçonnées, sans doute également une solidité tout aussi inattendue. M. Benflis, qui était attendu au tournant se devait en fait de descendre sur le terrain, de se défaire d'un mutisme mal compris et défavorable à sa cause. La réunion hier du staff dirigeant du FLN constitue une éclaircie dans un paysage politique qui gagnait à ce que les positions des uns et des autres soient clarifiées.