Un nouveau pas semble avoir été franchi par la résistance irakienne dans sa lutte contre l'occupant américain. L'opération la plus spectaculaire et aussi la plus meurtrière contre les forces d'occupation américaines a eu lieu hier à Falloujah, à 50 km au nord de Bagdad, lorsque, un hélicoptère ayant à son bord une trentaine de militaires a été abattu. 13 soldats ont succombé à la chute de l'appareil, 20 autres ont été blessés, sans que soit déterminé la gravité de ces blessures. Par ailleurs, dans la nuit de samedi à dimanche, à Bagdad, un soldat américain a trouvé la mort quant son véhicule a sauté sur des explosifs. Depuis la fin des «opérations majeures», annoncée le 1er mai dernier par le président Bush, c'est la première fois que l'armée américaine subit le même jour des pertes aussi élevées. Au total, près de 140 soldats américains ont ainsi trouvé la mort lors des six mois d'occupation de l'Irak, nettement plus que les pertes subies durant la guerre proprement dite. En fait, la vraie guerre irakienne ne semble que commencer, même si les officiers supérieurs américains tentent de minimiser le pic de violence atteint ces derniers jours. Ainsi, selon l'officier américain le plus gradé en Irak, le général Ricardo Sanchez, les dernières attaques contre les forces de la coalition «n'étaient qu'une flambée de violence insignifiante du point de vue stratégique et opérationnel». Certes ! Toutefois la répétition des opérations de guérilla, et de plus en plus meurtrières, la mobilité de la résistance sur le terrain, sont des faits que le commandement américain ne peut ni nier ni ignorer, et l'opération contre l'hélicoptère, abattu hier, de même que les tentatives similaires, ces derniers mois, indiquent a contrario que la résistance irakienne, en dépit du rapport de force sur le terrain, commence néanmoins à marquer des points malgré les tentatives d'en minimiser, sinon d'en nier, la réalité. Ne parvenant pas à avoir une lecture claire de l'adversité, et une image appropriée des capacités de la guérilla irakienne, les officiels américains, -militaires et politiques-, imitent l'autruche et persistent dans leur fuite en avant. L'attaque contre l'hélicoptère américain marque un nouveau pas dans la lutte contre l'occupation américano-britannique. L'hélicoptère abattu est un Chinook, un appareil lourd polyvalent de transport militaire. Il dispose de deux rotors et est, généralement, utilisé dans le transport de troupes dans les opérations commando des forces spéciales américaines. De fait, seuls les appareils militaires américains circulent dans les airs irakiens tant les tentatives d'abattre les avions tiennent ces derniers cloués au sol et font que les transports aériens civils n'ont toujours pas repris six mois après la fin de la guerre. De fait cette attaque était pressentie si l'on excipe du fait que le Département d'Etat américain avait mis en garde, mercredi, ses ressortissants, invitant à la prudence ceux se rendant en Irak. L'impact de la guérilla sur la population irakienne est énorme comme en témoigne la paralysie hier du pays après l'appel à une «journée de la résistance» à l'occasion du 1er Novembre. Une journée qui a quasiment tétanisé les Irakiens qui sont restés calfeutrés chez eux. Ainsi, le gouvernement transitoire irakien qui n'arrive à s'imposer ni à ses nationaux ni à ses voisins fait des appels du pied aux pays de la région pour l'aider, Profitant de sa visite samedi au Koweït, le nouveau président du gouvernement irakien, -pour le mois de novembre-, le Kurde Jalal Talabani, avait appelé à l'aide les pays voisins de l'Irak pour lutter contre les «infiltrations terroristes» déclarant: «J'adjure nos voisins de nous aider à faire cesser les opérations terroristes contre notre pays en fermant les frontières aux terroristes qui commettent des crimes contre le peuple irakien». Toutefois, Bagdad n'a pas répondu favorablement à l'invite de la Syrie d'assister à la réunion à Damas des chefs de la diplomatie des pays voisins de l'Irak dont le thème était consacré à la situation dans ce pays. Ainsi, le gouvernement transitoire irakien avait la possibilité d'expliquer à ses voisins d'une part sa position sur les développements de la situation en cours et plus particulièrement présenter ses demandes d'aides. Pour une question de protocole le gouvernement transitoire a décidé de ne pas participer à cette réunion. D'après le ministre jordanien des Affaires étrangères Marwan Moasher, le communiqué final de la réunion de Damas devait appeler «à la fin de l'occupation de l'Irak et à l'organisation d'élections sous les auspices des Nations unies» Faisant écho aux tractations qui se font autour de la réunion de Damas, le chef de l'administration américaine en Irak, Paul Bremer, a laissé entendre, samedi, que son administration va s'efforcer «d'accélérer» le transfert du pouvoir à Bagdad, indiquant «Nous allons chercher le moyen d'accélérer le transfert du pouvoir au gouvernement irakien (...) La coalition va remettre la souveraineté au peuple irakien aussi vite que possible». Ce qui n'engage en rien d'autant plus que les officiels américains à Washington avaient répété ces dernières semaines qu'ils étaient en Irak pour la durée et que seuls les Etats-Unis décideront du moment et de l'opportunité du transfert du pouvoir aux Irakiens. Dans son allocution de samedi, Paul Bremer a également indiqué que Saddam Hussein est «vivant et en Irak» ajoutant «sa capture est notre première priorité» précisant d'autre part «Il est important de capturer et de tuer Saddam Hussein pour baisser le rideau une fois pour toutes sur le rêve que Saddam et ses tueurs vont revenir». L'opération contre l'hélicoptère militaire américain a comme une connotation de réponses aux propos de l'administrateur en chef américain. Réagissant à l'attaque d'hier qui s'est soldée par la mort de 13 soldats, le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, a déclaré que les Etats-Unis poursuivraient leur guerre contre le terrorisme et leur action en Irak, indiquant: «La seule chose à faire est de porter aux terroristes la guerre contre la terreur»