L'entrée en scène de la Centrale, annoncée à grands fracas, vient compliquer une situation déjà assez complexe. Débordée sur les flancs par les mouvements de grève du Cnapest et du Cla, la Fnte (fédération Ugta des travailleurs de l'éducation), a décidé de passer à l'action, prenant carrément le train en marche. Les responsables locaux, dont beaucoup étaient déjà entrés en grève sans attendre les directives fédérales, se sont ainsi réunis mercredi soir pour décider unanimement d'une grève perlée de quatre jours à partir du 16 novembre prochain. Dans le cas où les autorités ne donneraient pas suite aux revendications formulées, un second arrêt de travail de quatre jours serait également décidé entre le premier et le 4 décembre. Cette action va paralyser l'ensemble des lycées, collèges et écoles primaires du pays. La Centrale Ugta avait déjà prouvé sa grande représentativité dans le secteur lors d'une grève qui avait bloqué le secteur l'année passée et qui s'était soldée par des hausses substantielles dans les primes de documentations, en plus des augmentations décrétées à la suite de la bipartite de septembre 2002 et de celles du Snmg devant entrer en vigueur en janvier prochain. Dans la plate-forme de revendications, rendue publique ce jeudi, la principale demande consiste en «une hausse conséquente des salaires de l'ensemble des travailleurs du secteur de l'éducation, pas seulement des PES». Un membre de la direction de la fédération nous a indiqué que la somme exigée est maintenue secrète pour le moment, ajoutant qu'un dossier complet a été remis au gouvernement et au ministre. Son contenu ne sera pas divulgué avant l'aboutissement des négociations avec les pouvoirs publics. Cela denote, si besoin est, la situation critique dans laquelle se trouve la fédération Ugta, dont les adhérents même ignorent le contenu de leurs «propres» revendications. La hausse, selon notre source, pourrait se faire sous la forme d'une revalorisation du point indiciaire. C'est ce que nous avait déjà indiqué Sidi-Saïd. Ce dernier, comme annoncé dans ces colonnes, a rencontré ce mercredi le chef du gouvernement, Ouyahia. Un accord préliminaire aurait été dégagé dans l'attente de l'entrée en scène de la fédération et du ministère en vue de l'endosser. La démarche exclut de facto le Cnapest et le CLA que le pouvoir refuse ostensiblement de reconnaître. Mais, ces derniers, loin de s'en laisser conter, ripostent avec une rare violence à l'entrée en scène de l'Ugta (lire l'article de Amina Bebbouchi). Une seconde réunion du même genre est attendue le 10 décembre prochain. Elle pourrait décréter une grève illimitée dans le cas où aucun accord n'était trouvé d'ici à là avec le ministre de l'Education. Le secrétaire général de l'Ugta, qui a pris conscience de la gravité de la situation, avait admis sur nos colonnes que «la fédération avait mal géré la crise engendrée par la grève du Cnapest, du CLA et du Snapap». Elle a commencé à perdre des milliers d'adhérents qui ont préféré se placer sous la bannière plus dure et plus déterminée de ces syndicats. Selon Koulalem, membre du bureau fédéral, «la Fnte n'a perdu aucun adhérent. Il se trouve que beaucoup de nos militants se sont placés dans la logique militante en se joignant au mouvement de grève par solidarité avec les enseignants, mais aussi parce qu'ils adhèrent aux revendications salariales». Notre interlocuteur qui indique soutenir la revendication salariale du Cla et du Cnapest, rejette les deux autres demandes. Pour lui, «la retraite après 25 ans de travail vise inconsciemment à capitaliser cet acquis en le rendant volontaire comme l'ont fait, échouant lamentablement, des pays capitalistes avant nous». S'agissant du statut particulier des PES, notre source estime que cette demande vise à «laisser sur le carreau les agents non spécialisés pour les jeter en pâture au dégraissement des effectifs dans la fonction publique tel qu'exigé par le FMI». La Fédération, qui se défend de vouloir récupérer le mouvement, qui critique les démarches du ministère de l'Education dont elle boycotte les trois commissions et qui «accorde» le droit à Sidi Saïd d'en critiquer les actions et positions, met en avant de nombreuses autres revendications pouvant améliorer sensiblement le secteur, notamment en débloquant 16.000 postes budgétaires nouveaux, mais aussi en permettant les recrutements en dehors du corps des enseignants. La fédération, contrainte à la défensive sous «le feu nourri de nos questions», a qualifié sa démarche de «graduelle» et d' «ordonnée». Explication: «Nous avons attendu la bipartite puis la tripartite avant de décider d'agir. Les hausses à la suite de la revalorisation du Snmg oscillera entre 250 et 1300 DA, ce qui nous paraît dérisoire». Il est certain qu'avec l'entrée en scène de cette fédération, les choses vont évoluer positivement puisque le gouvernement prendra langue avec les représentants des travailleurs et fera forcément des concessions, y compris sur le plan salarial. La question qui se pose, c'est : est-ce que les enseignants, et employés, des trois paliers de l'école, qui seront paralysés dès le 16 novembre prochain, accepteront les hausses que ramènera l'Ugta, histoire de faire d'une pierre plusieurs coups, en reprenant les commandes du secteur, en coupant l'herbe sous le pied de ces syndicats autonomes, en évitant l'année blanche et en permettant l'amélioration des conditions sociales de l'ensemble des travailleurs de l'enseignement. Un programme chargé en perspective.