Les histoires d'héritage mènent vers la barre, mais aussi la haine, la rancoeur, le bruit, beaucoup de bruit... Maître Hajira Ourah-moune Yazid, l'avocate de Fatma et de ses trois filles inculpées, d'abord victimes ensuite de coups et blessures volontaires ayant entraîné des arrêts de travail insignifiants peut-être, mais arrêts tout de même, s'était évertuée à défendre ses quatre clientes en plein centre de versets et hadiths, évoquant la famille, les parents, les enfants et le rôle du garçon. Les faits étaient précédés d'histoires à ne plus en finir d'héritage et de Frida inachevée, dans son exécution, par la grâce d'embûches. Priées de s'expliquer sur les insultes proférées à l'encontre du fils unique de la famille de Fatma, la maman qui avait versé un oued de larmes lorsqu'elle avait été invitée à prendre la parole et défendre sa cause, les trois soeurs, Malika, Saïda et Souhila étaient psychiquement préparées à la riposte. Elles étaient si bien préparées qu'à un moment des débats, Yasmina Nouiri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) avait préféré fermer l'oeil, se boucher les oreilles et laisser les «filles» vider le sac et les tripes. Peut-être que pour la magistrate aguerrie qu'elle est, depuis qu'elle a remplacé Saloua Derbouchi (partie au pôle de Sidi M'hamed - Alger) à dû jouer la carte de l'apaisement plutôt que de jeter de l'huile sur la braise. Et la braise sera mise à nu juste après que la juge eut posé une question: «Vous aviez agressé votre frère? Il a un certificat médical!» Et comme si les trois filles et la maman venaient d'être éblouies par un soleil d'août à onze heures de la matinée, leur réponse avait été bruyante, bouillonnante, bonifiante, avec beaucoup de tonus, d'amertume, de colère, voire d'esprit de revanche. Une revanche qui cherche l'affrontement. C'est d'autant plus vrai que dans ces histoires d'insultes et de coups et blessures, les gens ne comprennent pas pourquoi les victimes ignorent la convocation de la justice, refusent de se déplacer se cachant derrière le paravent du statut de victimes. «Pourquoi n'est-il pas venu ici nous dire les yeux dans les yeux qui de nous l'a agressé?» balance sans se contrôler Souhila qui suit l'aînée Malika dans le même raisonnement. -Pourquoi a-t-il fourni un certificat médical d'un seul jour d'incapacité? C'est du pipeau renchérit Saïda qui ira jusqu'à qualifier son frangin de «boule molle», d'incapable, d'irrespectueux envers la maman.» D'ailleurs Maître Ourah-moune Yazid, leur défenseur, avait excellemment plaidé le dossier surtout que les inculpées ont, elles aussi, déposé plainte avec, en sus, un certificat d'incapacité à la suite de coups assénés sans conscience, ni affection. Il se comporte plus qu'un ennemi. «C'est un infidèle envers sa famille.» dira, amère, et en larmes, Fatma la mère qui n'a pas réussi à se maîtriser tant le garnement est insupportable, mauvais, froid, cupide, lâche, des qualificatifs pondus par les filles. L'avocate s'appuya longuement sur les relations parents-enfants-frères-soeurs-mères-fils. Les demi-frères entre autres sont venus se jeter dans le bassin des mots balancés à la volée face à une tolérante Nouiri, maîtrisant tout et tous les présents. Durant sa longue et détaillée plaidoirie, le conseil était allé vers les sacrées paroles de l'Eternel pour ce qui est des parents à respecter, à craindre, du fils qui se doit de veiller à la sécurité des soeurs et évidemment de toute la famille. Maître Hajira Ourahmoune effectuera même une virée dans les fins fonds des us et coutumes des Arabes, en prenant soin de préciser ici que son exemple ne touche pas tous les musulmans, mais les seuls Arabes. «Madame la présidente, il me plaît de vous rappeler que l'histoire nous a enseigné de nous méfier des civilisations qui méprisent les filles. Et chez nous, les Arabes, un enfant, un garçon, un mâle n'hésite pas à écraser sa soeur lorsque ce ne sont pas ses soeurs. C'est inadmissible en 2012. C'est inacceptable! Le monsieur entre chez ses parents, il agresse ses soeurs profère les pires insultes dont certaines frisent l'inceste et se précipite se plaindre certificat médical en main croyant rouler la justice. Non, madame la présidente. Vous n'êtes pas dupe. Vous avez dans votre dossier un certificat médical rédigé et remis bien avant celui du frangin pseudo-victime», a annoncé avec beaucoup d'émotions le défenseur qui a dû bien marteler ses propos juste de quoi retenir le regard de la présidente dont l'attitude laisse deviner son intention de demander au plaideur d'abréger car le rôle de cette journée n'est pas si indulgent. Finalement, elle décide de rendre note du dernier mot de l'avocate avant d'annoncer la date de la mise en examen du dossier avant de passer à une énième affaire de...rixe.