img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P120708-14.jpg" alt="«La note "lynchage des cadres'' n'émane pas de Aït Ahmed»" / Dans cet entretien, M. Djoudi a décortiqué la crise interne que traverse le FFS. Il dénonce et explique la proximité, toute nouvelle, du FFS avec le régime et l'initiative qu'il a prise avec les autres anciens premiers secrétaires pour solutionner la crise. L'Expression: La campagne électorale des législatives du 10 mai a fait sortir les partis de leur léthargie et a paradoxalement révélé des batailles acharnées pour le contrôle des appareils. Au FFS certaines voix parmi les contestataires ne réduisent pas leurs actions à une volonté de récupérer l'appareil, elles n'hésitent pas à parler de dérive, de crise de valeurs. Quelle est votre analyse? Djoudi Mammeri: Les stratèges du système politique en place ont vite compris, que suite à ladite «révolution du jasmin» en Tunisie avec ses retombées géostratégiques sur la région, la réussite de l'organisation des élections législatives représente une importance vitale pour continuer à s'assurer le silence complice, voire le soutien des grandes puissances occidentales. L'unique enjeu ou la variable aléatoire de ces élections est l'évitement d'un taux de participation ridicule. Bouteflika, Ouyahia, Belkhadem et Ould-Kablia l'ont, à travers leurs appels insistants, reconnu ouvertement. Ils ont quasiment supplié les Algériens de se présenter devant les bureaux de vote, de préférence à la même heure, face à la caméra pour donner l'illusion du nombre; et tout le reste n'est qu'un jeu d'enfant pour eux. C'est ce qui a motivé à mon sens l'octroi d'agrément à des dizaines de partis «cocote-minute». Le titre et le statut de député étant un sésame pour un revenu et des privilèges consistants, les places ne pouvaient qu'être âprement disputées. Comme la personnalisation du pouvoir au sein des partis est hélas favorisée par rapport à une régulation par des règlements et des instances, il ne pouvait que s'ensuivre des batailles féroces pour l'accès aux postes de pouvoir décisionnel. Au FFS, la direction a commis un abus de pouvoir en deux actes. Au premier acte elle a pressé les membres du conseil national d'entériner une résolution portant participation aux législatives en usant de pratiques honteuses et de stratagèmes grossiers. Citons par exemple le simulacre de convention qui a ressemblé plus à un gala de variétés ou défilé de mode qu'à une rencontre de militants et cadres avec des conférences, des débats non encadrés et surtout un vote à bulletin secret. Au deuxième acte, elle a imposé des candidats et candidates où les critères de choix déterminants sont l'allégeance, la servilité et la proximité avec les détenteurs du pouvoir réel. La contestation - la plus bruyante - a été lancée par les candidats frustrés de se voir relégués à des places en queue de liste, recalés et non repêchés par les instances de recours. Un autre mouvement de protestation motivé par des considérations d'éthique politique, de valeurs, d'idéaux démocratiques s'est mis en branle en parallèle du premier et j'ai décidé d'y adhérer. C'est essentiellement à la lecture du communiqué, truffé de termes obséquieux, adressé à l'attention du Conseil constitutionnel que j'ai perdu mes dernières illusions quant à la volonté de la direction nationale de défendre et préserver l'autonomie du FFS face aux clans du sérail. Certains observateurs avancent que le parti FFS a dévié de sa ligne originelle; d'autres supputent qu'il est empêtré aujourd'hui dans le jeu des luttes de clans au sommet de l'Etat. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Je ne détiens pas de preuves irréfutables pour faire la démonstration qu'il y a bien dérive et compromission. Cependant, je relève aisément qu'il existe beaucoup de zones d'ombre dans l'enchaînement des événements et opérations qui ont jalonné le processus de prise de décision relatif au scrutin du 10 mai. Tout comme il m' est difficile de saisir le sens des déclarations accommodantes à l'égard du pouvoir, et arrogantes envers les partis et les personnes qui ont appelé au boycott ou à la dénonciation de la fraude. Aujourd'hui, devant les accusations des uns et les interpellations des autres auxquelles fait face la direction du FFS, il me revient à la mémoire que l'un des documents majeurs qui ont marqué le congrès de 2007 est la laconique et sibylline déclaration d'Aït Ahmed-Mehri-Hamrouche. Laskri m'a maintes fois confié qu'il n'a pas cessé d'interpeller Tabbou pour savoir pourquoi il ne faisait plus référence, lors de ses interventions orales et écrites, à la revendication de la Constituante. Si on ajoute que lors de la campagne électorale, les candidats n'ont pas réussi à développer un discours cohérent et persuasif pour étayer l'option de la participation tactique, alors le doute est permis. Et le parti FFS n'est pas un parti qui tolère le doute sur la nature de ses rapports avec le pouvoir... Quelles sont les mesures et solutions appropriées qui vous semblent être indiquées pour redonner le lustre d'antan au FFS? Tout comme «Saïda» et «Ifri» sont des marques qu'on rattache instinctivement à l'eau minérale, le FFS symbolise aux yeux des Algériens la démocratie, la citoyenneté, la modernité, la transparence, l'intégrité, l'incorruptibilité et bien d'autres valeurs nobles et positives. Au sujet des élections qui ont fait remonter à la surface toutes les crises refoulées ou latentes qui couvaient en profondeur, le président Hocine Aït Ahmed avait appelé à un large débat qui permettrait de mener à une prise de décision la plus consensuelle possible. La direction n'a pas suivi scrupuleusement ses orientations. Elle a préféré opter pour la voie facile qui mène la plupart de ses membres influents au palais Zighout plutôt que d'oeuvrer au rassemblement des militants éparpillés et désemparés. Ce sont les dirigeants en premier lieu et le conseil national à un degré moindre qui sont les responsables du déclenchement des vagues de protestation. C'est donc la direction nationale qui porte l'entière responsabilité de la crise et de la détérioration de l'image du FFS. Le redressement de la situation et la remise sur rails du parti ne peut avoir lieu que par la réhabilitation du débat libre et contradictoire au niveau de toutes les instances ainsi que par le rassemblement des énergies militantes sans exclusive. Je me suis associé à une initiative qui veut participer et contribuer à la mise en place d'un espace et d'un cadre, qui réunira des militants et des cadres de toutes les générations et de toutes les étapes ayant jalonné le combat politique du FFS. Ensemble, nous voulons procéder à une évaluation exhaustive et sans complaisance des réalisations et des acquis du parti depuis sa fondation mais surtout définir les projets d'avenir et les stratégies appropriées pour leur concrétisation dans un contexte d'incertitudes et de fortes turbulences. Notre ambition est de remettre la construction de l'alternative démocratique à l'ordre du jour des débats politiques en Algérie. Le premier secrétaire, Amar Laskri, a réagi à votre déclaration en vous lançant le défi de sortir de votre retraite et de vous présenter à vos fédérations respectives, qu'avez-vous à dire? Connaissant parfaitement Laskri, je doute qu'il soit l'initiateur et le rédacteur des propos menaçants qu'il a prononcés à l'encontre de mes camarades Ali Kerboua et Mustapha Bouhadef. Tout comme je n'ose pas imaginer un instant que la note relative au lynchage des militants et cadres présumés coupables de sabotage durant la campagne électorale émane du président du parti. Mais jusqu'à preuve du contraire, puisqu'elles portent le logo et le cachet du parti, ils auront à assumer les retombées devant les historiens. A mon ami Laskri dont je fus le soutien moral durant sa traversée des marécages lors des mandats de Tabbou, je lui demande de se rappeler ce qu'il m'affirmait avec amertume sur l'état des lieux des structures et le nombre de militants écartés. Je lui ajoute qu'il y a des situations et des contextes dans la vie d'un homme politique où il faut se déterminer, avoir tort avec des dissidents que raison avec les puissants du moment. Je l'exhorte à s'expliquer lui-même et à rendre compte aux militants pourquoi certains «retraités» subissent ses foudres alors que d'autres cadres exclus ou fuyards ont été réhabilités et promus députés en dehors des canaux officiels du parti et en violation flagrante des procédures statutaires. Mes camarades et moi avons soulevé des questionnements d'ordre politique, nous attendons toujours une réponse politique.