Les Etats-Unis face à la détérioration de la situation, en viennent à envisager ce que réclamait depuis toujours la communauté internationale. Rappelé en urgence la semaine dernière à Washington, l'administrateur en chef américain en Irak, Paul Bremer, est revenu à Bagdad avec un nouveau projet et des instructions à faire valoir devant le Conseil du gouvernement transitoire irakien. Devant une situation dont ils perdent quelque peu la maîtrise et qui, parfois, tourne à la déconfiture, les stratèges américains revoient leur plan et envisagent ce que la communauté internationale réclamait, alors en vain, pour la sortie de crise de l'Irak, la remise rapide du pouvoir aux Irakiens. Ayant fait cavalier seul avant même l'entame des hostilités avec le dictateur de Bagdad, puis après la chute du régime de Saddam Hussein, les Etats-Unis conviennent maintenant, même s'ils ne le reconnaissent pas clairement, qu'ils ont abusé de leur force à contrôler de bout en bout la transformation de l'Irak en «démocratie», que l'opposition, si celle-ci existe selon eux, ne constituerait pas un handicap pour la mise en oeuvre de ce que les stratèges américains ont décidé pour l'Irak. Aussi, ils refusèrent d'accéder à la demande de la communauté internationale d'octroyer à l'ONU le droit de gestion et de direction du suivi de la reconstruction de l'Irak. Toutefois la résistance irakienne dont les coups, souvent meurtriers, ont ébranlé la confiance des décideurs américains a fini par amener les plus hautes sphères de l'Administration Bush à revoir leur plan, acceptant notamment l'accélération de la transition et de l'octroi de plus de pouvoirs aux Irakiens. Il semble que la mission de Bremer en Irak ait sensiblement évolué, puisque son nouveau devoir serait d'accélérer les choses avec le Conseil de gouvernement transitoire auquel, selon la chaîne de télévision américaine, ABC, l'administrateur américain aurait remis un échéancier et briefé sur les nouvelles idées de Washington. De fait, la presse américain du week-end revenait largement sur cette nouvelle évolution de la politique américaine en Irak. Il apparaît selon ses écrits, que Paul Bremer a proposé à ses interlocuteurs irakiens de «réunir les chefs tribaux des 18 provinces au printemps prochain» dans l'optique de «sélectionner des délégués pour la formation d'une nouvelle assemblée». Selon le média américain, «Cette assemblée élirait, d'ici l'été, un gouvernement de transition, auquel les Etats-Unis transmettrait le pouvoir. La rédaction d'une nouvelle Constitution et des élections générales suivraient dans les deux années suivantes». Toutefois, il semble, pour Washington, que le handicap majeure soit le fait qu'aucun homme d'une véritable stature politique ne se dégage parmi les 24 membres du Conseil du gouvernement transitoire. Ce que le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a déploré à demi-mots il y a quelques jours. En effet, même leurs «amis» irakiens ne leur facilite pas trop la tâche en mettant à la disposition des Américains un homme d'envergure capable de s'imposer et d'imposer les plans américains pour l'Irak. Après avoir ignoré la communauté internationale et temporisé, Washington se trouve ainsi contraint à un certain recul, plus ou moins stratégique, qui n'entame pas trop la crédibilité de leur action en Irak. De fait, les Etats-Unis, depuis le 1er Mai et l'annonce de la fin des «opérations majeures» ont perdu 161 soldats et la situation sur le plan sécuritaire est loin de s'améliorer, la CIA (agence américaine de renseignement) prévoyant même un renforcement de la résistance et de la guérilla contre les forces d'occupation américano-britanniques. Le revirement de George W.Bush dans la gestion du dossier irakien peut également s'expliquer par son souci de stopper la détérioration de son image parmi la population américaine où le nombre des déçus de la guerre s'accroît régulièrement -au fur et à mesure que tombent des soldats américains-, mettant en péril ses chances pour un deuxième mandat présidentiel dont le scrutin est prévu en novembre 2004. Et, manifestement, la tournure qu'ont pris les évènements en Irak affaiblissent les positions électorales de George W. Bush et de son administration pour le prochain challenge présidentiel d'autant plus qu'aucun des objectifs que M. Bush s'était fixés en Irak n'ont été atteints notamment le fait que les armes de destruction massive n'ont toujours pas été trouvées alors que Saddam Hussein est toujours libre et sans doute organisateur de la résistance qui, outre de mettre à mal la politique irakienne de Washington, tue de plus en plus de boys américains. Et cela, le citoyen américain ne pouvait le pardonner.