Une équipe gouvernementale de transition a été constituée hier dans la capitale irakienne. Après des semaines de tergiversations, et de négociations serrées avec l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, un Conseil de gouvernement transitoire - réclamé par les forces politiques, et l'ex-opposition, irakienne depuis la chute du régime baâssiste - a été enfin constitué hier à Bagdad. Fort de 25 membres, répartis selon une composante ethnique et confessionnelle, le Conseil comprend 14 Chiites, 5 Kurdes, 4 Sunnites, une Turkomane, et un Chrétien. Parmi les personnalités qui y figurent, relevons la présence de Adnane Pachachi, 81 ans, sunnite, ancien ministre des Affaires étrangères, avant la prise de pouvoir du Baâs en 1968, les Kurdes Massoud Barzani du PDK et Jalal Talabani de l'UPK, les Chiites Abdelaziz Hakim, vice-président de l'Asrii, (Assemblée suprême de la Révolution islamique en Irak), Ahmed Chalabi, ancien chef de l'opposition irakienne organisée sous la férule des Américains. Le Conseil s'est réuni hier pour la première fois, pour officialiser «l'existence» du premier gouvernement irakien depuis la chute de Saddam Hussein. Paul Bremer, administrateur en chef américain, John Sawyers, représentant britannique en Irak, et Sergio Vieira de Mello, envoyé spécial de l'ONU, ont assisté à une partie de la réunion pour prendre acte de la «constitution du Conseil», comme l'indiquait une source proche de ce dernier. La constitution de ce Conseil de gouvernement, dont il faut encore attendre le comportement devant la réalité du terrain, a donné lieu à de longues et âpres négociations avec l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, notamment pour ce qui est des responsabilités qui devaient échoir au Conseil transitoire. Paul Bremer qui n'a pas spécialement apprécié les revendications irakiennes, a affirmé : «Je veux partager le casse-tête irakien avec le Conseil. Il veut des responsabilités, nous allons lui en donner.» Cela sonne comme du dépit car, il dû surtout, abandonner, sur conseil du représentant spécial de l'ONU, l'idée de nommer un «Conseil politique», dont le rôle aurait été confiné à celui de faire-valoir ou de «conseiller» de l'administrateur en chef américain. Ainsi, Paul Bremer a dû mettre de «l'eau dans son vin», comme le dit, assez ironiquement, l'envoyé onusien, Sergio Vieira de Mello Selon l'entourage du Conseil transitoire, la nouvelle institution aura le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres, de désigner des représentants diplomatiques, de voter le budget et enfin de superviser la formation d'une commission constitutionnelle (des juristes) qui aura la charge de mettre au point la future Constitution du pays. Le mandat du Conseil transitoire de gouvernement est d'un an. D'ici à là, le Conseil est appelé à remettre de l'ordre dans un pays où règne l'anarchie la plus totale. Reste certes à voir de quelle liberté de manoeuvre et de quel pouvoir réel va bénéficier le Conseil transitoire face à l'omniprésence de l'administration américaine en Irak. Si sur le plan politique et administratif les choses commencent à s'éclaircir, au plan sécuritaire la situation est toujours incertaine, au moment où la résistance donne des coups de plus en plus meurtriers à l'armée d'occupation américano-britannique. Ainsi, une énième opération va être montée contre les résistants irakiens comme l'indiquait hier un sous-officier américain, «il s'agit d'une opération préventive contre les dirigeants de l'ancien régime et des éléments rebelles qui préparent des attaques contre les forces de la coalition». Ainsi, pour les Américains, les Irakiens qui se battent pour leurs droits sont simplement des «rebelles». Cependant, les choses demeurent assez sombres pour les Américains qui se déchirent à propos des ADM et la polémique prend chaque jour de l'ampleur. Ainsi, 16 représentants démocrates sont montés vendredi au créneau, exigeant une enquête indépendante sur les tenants de l‘affaire des armes de destruction massive. L'ex-gouverneur du Vermont, Howard Dean, candidat à l'investiture démocrate pour les présidentielles de 2004, dans une déclaration à la chaîne de télévision ABC déclare: «Nous avons besoin d'une enquête indépendante en dehors du Congrès», indiquant: «Soit le gouvernement est incompétent, soit il n'a pas dit la vérité. Nous devons connaître les réponses.» Pour essayer de sortir de la nasse où elle s'est engluée, l'administration de George W.Bush, biaise et affirme maintenant, à en croire le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, que «la coalition n'a pas agi en Irak parce que nous avions découvert de nouvelles preuves sur l'acquisition par l'Irak d'armes de destruction massive» mais parce que, selon lui, «c'est l'expérience vécue le 11 septembre, (attentat anti-américain de 2001), qui avait déclenché la guerre». Ce qui n'est qu'une autre fuite en avant, d'autant qu'aucune preuve de collusion de l'Irak avec le terrorisme internationale n'a pu être démontrée ou présentée par les Américains. Ainsi, l'administration Bush, qui a attaqué et envahi un pays sans raison - et sans l'accord de la communauté internationale et des Nations unies - s'enfonce un peu plus dans le mensonge et dans des explications de moins en moins crédibles même aux yeux des plus crédules. Les Etats-Unis ont attaqué et occupé un pays sur des motifs qui, au fil du temps, s'avèrent tout autant sans fondement que vraisemblablement faux. En déclarant la guerre à l'Irak, et en occupant ce pays, la superpuissance mondiale a ainsi trompé la communauté internationale, et réduit à néant les valeurs sur lesquelles cette même communauté a fonctionné depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est patent que l'affaire des armes de destruction massive n'est pas prête d'être close et aura à connaître d'autres suites.