La décision prise par la cour d'appel de Blida vient ordonner la restitution de tous les biens de cette société. Croyant, pieux, faisant le bien dans une discrétion que seuls ses intimes soupçonnent quelque peu, Mohamed Ould El-Hocine est fier d'avoir remporté une autre bataille, l'ultime sans doute, en ce mois de Ramadan durant lequel les vantaux du ciel s'ouvrent à tous les gens de bien. Le calvaire prend enfin fin. La cour de Blida a rendu hier un arrêt définitif et exécutoire rejetant la demande de sursis à l'exécution de la restitution des biens de l'Epsr ordonnée par la Cour suprême en 1997. Plus rien ne s'oppose, désormais, à la restitution pleine et entière des biens mobiliers et immobiliers illégalement pris à ses propriétaires légitimes. Tout a commencé lorsque le moudjahid Ould El-Hocine, qui a toujours refusé de bénéficier des avantages réservés aux anciens moudjahidine et de gagner sa vie à la sueur de son front, a été accusé puis jugé et condamné par la justice militaire pour...atteinte à la sûreté de l'Etat. Dans le même temps, un arrêté interministériel clandestin, qui n'a été publié nulle part, ni même transmis aux concernés, a transféré l'Epsr (Entreprise des panneaux de signalisation routière) sous la coupe de l'Etat. La société, à l'époque riche et florissante, comme en témoigne la passation de consigne, a pris pour nom Sntp (Société nationale des travaux publics). S'il s'était agi d'une nationalisation, il eût été pour le moins logique qu'un dédommagement soit versé aux propriétaires. Car, le comble c'est que la société n'est même pas la propriété exclusive de Ould El-Hocine, ce «dangereux criminel», victime d'une horrible cabale, et que la justice a fini par blanchir définitivement d'avoir osé rester fidèle publiquement aux nobles idéaux de novembre 54. Les rapports de transfert du patrimoine de l'Enps, qui a réussi à revenir aux affaires en dépit de tous les bâtons placés dans ses roues, attestent tous que l'actuelle Enps ne doit son existence et ses biens mobiliers et immobiliers qu'à l'Epsr. Comme tous les gens qui se sentent coupables et qui ne veulent, ni ne peuvent travailler que dans l'ombre, un second transfert a eu lieu deux mois plus tard pour que l'entreprise volée devienne Enps. Elle l'est toujours, pour quelques jours encore, le temps que la décision de la Cour suprême soit enfin appliquée. La preuve irréfutable qu'un complot a bel et bien eu lieu par un clan puissant durant les années 1980 pour accaparer les biens de cette entreprise, unique en Afrique, qui détenait de très importants marchés avec les APC et les wilayas, c'est que le directeur général de cette «Enps» n'a pas changé depuis 23 longues années, c'est-à-dire depuis la création illégale de cette entreprise jusqu'à ce jour. A la suite d'un combat juridique acharné, la Cour suprême a fini, en date du 16 février 1997, par ordonner la restitution de tous les biens de l'Epsr à ses propriétaires originels, annulant par là-même le fameux arrêté interministériel assumé par les département des Finances, de l'Intérieur et des Travaux publics. La demande formulée par la tutelle ministérielle pour surseoir à l'application de cette décision sera rejetée par la chambre administrative de la Cour suprême en date du 13 avril 1998. Les deux recours introduis auprès de la Cour suprême ont eux aussi été rejetés. Le coup fatal pour ce complot qui dure depuis plus de 20 ans est tombé hier, comme annoncé, à la suite du rejet définitif et exécutoire par la cour d'appel de Blida de la demande du ministère des Travaux publics de sursis à exécution de l'arrêt ordonnant la restitution des biens mobiliers et immobiliers de l'Epsr. A la suite de ce «grand triomphe» de la justice, qui fait suite au limogeage de l'ancien président du Conseil d'Etat impliqué dans des faux en écriture pour garder les biens de l'Epsr sous contrôle étranger, il devient clair aux yeux de tous les juristes que M.Ould El-Hocine voit enfin le bout du tunnel et devrait reprendre possession de ses biens, illégalement spoliés, dans un délai très proche. Le combat, tient-il à préciser, touche beaucoup moins aux biens matériels qu'aux principes qu'il fallait faire triompher et qui constituaient le leitmotiv des martyrs de la révolution à la mémoire desquels tous les moudjahidine sincères sont demeurés fidèles.