Dès samedi, Benbouzid a carte blanche pour en appeler à la justice, radier les grévistes et les remplacer par des universitaires sans emploi. Au bout de près de deux mois d'une grève ininterrompue dans la quasi-totalité des lycées du pays, le gouvernement, réuni en conseil lundi dernier, a décidé de prendre le taureau par les cornes en haussant «sensiblement» le ton. Une série de mesures a ainsi été prise si le débrayage devait se poursuivre à partir de ce samedi. Le conseil de gouvernement, présidé par Ouyahia, «donne mandat au ministre de l'Education nationale de déposer plainte devant les juridictions pénales contre les responsables et meneurs de la grève illégale et sauvage pour entrave au droit constitutionnel à l'enseignement». Mandat est également donné à Boubkeur Benbouzid, une fois exprimé cet ultimatum, de «suspendre puis radier des professeurs de l'enseignement secondaire qui n'auront pas repris les cours et qui seront ainsi déclarés en abandon de poste». Dans le même temps, «il sera procédé au recrutement de diplômés universitaires en remplacement des enseignants en abandon de poste qui auront été radiés». Nul doute que ces mesures extrêmes annoncent une nouvelle escalade dans le conflit qui oppose les pouvoirs publics aux deux syndicats non reconnus que sont le Cnapest et le CLA. Beaucoup d'observateurs, qui ne s'attendaient pas à une pareille escalade de la part du Chef du gouvernement, se demandent même si Ouyahia n'est pas en train de se mêler au jeu des agitateurs. Le risque est en effet grand de voir ces mesures, si d'aventure elles viennent à être appliquées, induire une escalade dans le bras de fer, pouvant aller jusqu'à des manifestations de rues et des affrontements. Sur le plan pratique, depuis l'annonce des hausses dans les salaires sans que la grève n'ait pris fin, il est permis de se demander comment les pouvoirs pourraient radier plusieurs dizaines de milliers d'enseignants pour les remplacer par des gens inexpérimentés sans perdre de précieuses semaines, décrétant en filigrane l'année blanche. Soucieux de bien «enrober» ces mesures absolument exceptionnelles, le gouvernement qualifie également cette grève d' «exceptionnelle», jamais vue de par le monde. La communication faite par le ministre de l'Education, à ce sujet, a fait ressortir «la situation grave instaurée dans l'enseignement secondaire par le fait d'une grève de plus de cinq semaines consécutives, déclenchée et entretenue par des groupements non reconnus». Dans le but de prouver que les revendications des meneurs ne seraient pas d'ordre socio-professionnel, la communication ne laisse pas de rappeler que «cette grève est en fait la deuxième après celle menée par les mêmes animateurs pendant plus de 30 jours au niveau des établissements secondaires de certaines wilayas, dont Alger». Le conseil rappelle la nature et la hauteur des hausses salariales avant d'enchaîner pour dire que «le contact entre le ministère et les syndicats du secteur n'a pas cessé, en même temps qu'ont été multipliés les appels à la reprise des cours». Il est vrai que dans le même temps, ces mêmes pouvoirs publics ont ostensiblement refusé de rencontrer officiellement les deux seuls syndicats qui ont prouvé leur représentativité dans le secteur, ce qui vaut tous les agréments du monde. Révélation de taille, qui nécessite toutefois des exemples aux fins d'être étayée, «bon nombre d'enseignants parmi les grévistes sont eux-mêmes confrontés dans de nombreux cas au chantage et même aux menaces des perturbateurs». La famille de l'enseignement de même que tous les parents d'élèves passeront l'Aïd le plus maussade de leur existence en attendant que les choses soient un peu plus clarifiées au début de la semaine prochaine. Il y a péril en la demeure...