Alger ressemble à une ville fantôme en ces deux jours de l'Aïd où la plupart des commerces sont restés étrangement fermés, malgré l'appel pressant de l'Ugcaa. La file est vraiment impressionnante. Massés sur une vingtaine de mètres, le long de l'avenue Pasteur, une trentaine de clients font le pied de grue devant la boulangerie du quartier pour s'approvisionner en pain. La plupart n'habitent pas loin, mais sont étonnés, tout de même, de voir défiler autant de gens dont certains sont venus des quartiers voisins pour se procurer ce précieux aliment. Fort heureusement pour eux, le pain est disponible et tous seront servis. A l'inverse, les boulangeries de la rue Tanger n'affichent pas complet. Alors qu'on s'attendait à des files interminables, comme ce fut le cas, notamment, durant les derniers jours de rama-dhan, les deux boulangeries ouvertes les jours de l'Aïd fonctionnent normalement et les quelques clients qui se présentent sont ravis de trouver du pain sans faire la moindre queue. D'ailleurs cette rue, si bruyante d'habitude, semble avoir été désertée par les nombreux passants et automobilistes qui l'empruntent. La fermeture durant l'Aïd de la plupart des commerces qui ont fait sa réputation, ont plongé ce vieux quartier d'Alger dans une ambiance morose qui contraste avec les autres jours. Il n'est, malheureusement, pas le seul, tous les autres lieux très fréquentés, toutes les places chics et rues commerciales ont baissé rideau, donnant à la capitale l'aspect d'une ville fantôme. Même les magasins de la rue Larbi Ben Mhidi n'ont pas résisté à cette rengaine, à cette maladie qui refait surface à chaque jour de l'Aïd, à chaque fête nationale. Hormis quelques marchands de fruits que nous avons croisés sur notre chemin, la rue de la Lyre a été, elle aussi, gagnée par la contagion. Le spectacle est encore plus désolant lorsque nous arrivons et empruntons la rue Bab Azzoun. Outre la fermeture des commerces, une odeur nauséabonde s'échappe des amas de détritus qui jonchent la chaussée, transformant cet endroit mythique d'Alger, en une décharge à ciel ouvert. Le comble, les «cambistes» ou vendeurs de devises qui ont fait de la rue Abane Ramdane leur sanctuaire ont, eux aussi, disparu à l'occasion de l'Aïd! Seule la boulangerie du coin est ouverte, mais pour vous vendre du pain de la veille, une pratique jugée déloyale et qui n'a pas manqué de faire réagir certains clients qui dénoncent l'arnaque et surtout l'absence de contrôle. Les rares personnes qui se sont présentées ont refusé d'acheter du pain rassis au prix du pain du jour. Pourtant, des assurances ont été données pour que les boulangers ouvrent tous durant les deux jours de l'Aïd. Nombreux sont restés sourds à l'appel lancé par l'Ugcaa, prétextant l'absence des ouvriers partis pour passer la fête de l'Aïd en famille, ou le manque de farine. Les autres commerces? Les restaurants sont pour la plupart fermés et n'ouvriront qu'au début de la semaine prochaine. Les gens de passage à Alger n'ont pas le choix. S'ils veulent déjeuner ou diner, il ne leur reste que les grands hôtels pour le faire, mais ils risquent de payer cher, très cher. Tout compte fait, il n'y a que les cafés qui ont, dans l'ensemble, honoré leur mission, en ouvrant durant l'Aïd. Où est passée la notion de service public?