Debout dans son box, il a hurlé : «Dieu est grand. Allah akbar. C'est une décision misérable.» Fin de partie pour Boualem Bensaïd. De statut de simple complice, celui qui clame toujours sa fierté d'être membre de GIA est déclaré auteur des attentats qui ont secoué la capitale française durant l'été 1995 et qui ont fait 8 morts et 250 blessés. La cour d'assises d'appel de Paris l'a condamné jeudi à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une mesure de sûreté de 22 ans, soit la peine maximale. En première instance, Boualem Bensaïd, alias Mehdi, un Algérien de 35 ans, était déclaré simple complice de ces attentats et avait écopé, le 30 octobre 2002, d'une peine d'emprisonnement criminelle à perpétuité. En 1999, il avait été également condamné pour son appartenance à un groupe islamiste. L'accusé avait fait appel de la décision, contrairement à Smaïn Aït Ali Belkacem condamné en même temps que lui. De leur côté, les familles des victimes avaient jugé le verdict trop clément pour cet islamiste arrogant qui n'a jamais exprimé un quelconque regret ni repentir devant les magistrats exaspérés par son attitude moqueuse. Le doute subsistait sur les attentats de Maison-Blanche qui a fait 18 blessés le 6 octobre 1995, et du Musée d'Orsay, commis le 17 octobre 1995 blessant trente personnes. Selon l'accusation, l'un des éléments de preuve réside dans un papier retrouvé sur Bensaïd. Ce papier avait été analysé par les enquêteurs comme un «repérage» codé et chronométré du parcours du RER B, mais pour le magistrat, il s'agit d'un «pense-bête», c'est-à-dire un «repérage» fait par Bensaïd et pour lui-même, ce qui prouverait qu'il est bien l'auteur de l'attentat de Saint-Michel. L'avocat de Bensaïd, Me Laurent Pasquet-Marinacce, a plaidé l'acquittement pour les attentats de Saint-Michel et d'Orsay, mais ne s'est pas étendu sur celui de Maison-Blanche, difficilement contestable, puisque l'empreinte digitale de Bensaïd a été retrouvée sur un des fragments de la bombe. Il a tenté de démontrer que si son client appartenait bien à un réseau islamiste - il a été condamné pour cela en 1999- cela ne faisait pas nécessairement de lui «un chef ou un émir», «le complice» ou encore «l'auteur principal» d'attentats. Sans succès. Debout dans son box, Boualem Bensaïd a hurlé: «Dieu est grand. Allah akbar. C'est une décision misérable.» La veille, il a loué «l'analyse excellente» faite la veille par son avocat, Me Laurent Pasquet. S'improvisant juriste, il a estimé que la plaidoirie de son avocat «ne laisse pas de place aux raccourcis et aux lapsus», allusion à l'accusation qui, selon lui, se base sur des approximations. «Salopard», a murmuré le père d'une victime de Saint-Michel. «Je vais pouvoir faire mon deuil», a déclaré un autre. Françoise Rudetzki, déléguée générale de SOS-Attentats, a rappelé que «Boualem Bensaïd n'était pas seul et nous espérons un jour connaître jusqu'au bout la vérité sur cet attentat». Deux points d'ombre subsistent pourtant dans ce dossier. Le premier concerne Rachid Ramda, alias Elyas, le financier présumé des attentats de Paris détenu à Londres. La justice française ne parvient toujours pas à obtenir son extradition pour pouvoir compléter le puzzle, malgré la signature de l'accord de coopération policière et judiciaire. C'est Boualem Bensaïd qui a balancé son nom. Sa surveillance avait permis d'intercepter les virements d'argent effectués à Boualem Bensaïd et de mettre à jour ses liens avec les poseurs de bombes à Paris. Usant des recours, les avocats de Ramda sont parvenus à l'extraire, pour le moment, des mains de la justice française. L'un de leurs arguments était que leur client risquait d'être livré par la France à l'Algérie où il risque d'être exécuté. L'autre protagoniste est Ali Touchent, alias Tarek, présenté comme le cerveau du réseau. C'est également Bensaïd qui a donné son nom aux enquêteurs. Recherché par la police française depuis 1993, il a «miraculeusement» échappé à la police. Le 23 mai 1997, Ali Touchent est abattu par les services de sécurité algériens près de l'hôtel Angleterre de la rue Tanger à Alger. Sa mort n'a pas permis de savoir s'il était un agent des services de sécurité infiltré dans le réseau comme le prétendent plusieurs observateurs. Dans son dernier livre «Chronique des années de sang», l'ancien officier du Département de renseignement et de la sécurité (DRS), Mohammed Samraoui, évoque l'hypothèse d'une complicité des services algériens dans ces attentats. Depuis les attentats de 1995, la France s'est montrée plus intraitable à l'égard des réseaux islamistes. Des dizaines d'arrestations ont été effectuées, souvent à titre préventif. Les quelques procès organisés ont permis de mettre à jour la menace terroriste sur le sol français et décrire les réseaux de soutien aux groupes armés sévissant en Algérie. La traque s'est accentuée depuis les attentats de septembre 2001 contre les Etats-Unis. Ainsi, la Direction de surveillance du territoire (DST) a interpellé 120 activistes, dont la moitié est en prison.