Le financier présumé des attentats du GIA à Paris au milieu des années 90 nie en bloc les accusations portées contre lui. Son avocat dénonce une instruction à charge. L'explosion d'une bonbonne de gaz bourrée de clous avait fait huit morts et 119 blessés au métro Saint-Michel, à Paris, en cette journée d'été du 25 juillet 1995, marquant alors le début d'une série d'attaques terroristes qui avait secoué la France au beau milieu des années 90, le GIA ayant juré de faire payer à la France son supposé soutien à l'Etat algérien dans sa guerre contre les islamistes. Soupçonné d'avoir été le financier de ces attentats meurtriers, l'Algérien Rachid Ramda, qui avait été arrêté à Londres et qui a fait l'objet d'une extradition vers la France après une longue procédure, se présente aujourd'hui devant la justice française, devant la cour d'Assises de Paris. Chemise blanche et veste foncée, le visage souriant encadré par une barbe brune, Rachid Ramda, aujourd'hui âgé de 38 ans, a pris place dans un box protégé par des vitres pare-balles. Alors que le procès est prévu pour durer un mois, la sécurité du Palais de justice a été renforcée. Quant à l'accusé, il sera jugé par une cour formée de magistrats professionnels, comme il est de règle dans les affaires de terrorisme, au lieu d'un jury populaire, Rachid Ramda est également poursuivi pour les attentats commis aux stations de métro Musée d'Orsay et Maison-Blanche qui avaient fait des dizaines de blessés en octobre de la même année. Il avait été le grand absent en 2002 du premier procès de ces trois attentats qui s'étaient soldés par la condamnation à la prison à vie de Boualem Bensaïd et Smaïn Aït Belkacem. Ces derniers, reconnus coupables d'avoir commis les trois attentats comme auteurs ou complices, devraient venir témoigner le 10 octobre prochain devant la cour. Interpellé le 4 novembre 1995 en Grande-Bretagne où il résidait sur la base de mandats d'arrêt français, Ramda avait été extradé vers la France le 1er décembre 2005 au terme d'une longue bataille de procédure. Il a déjà été condamné en mars 2006 à dix ans de prison, pour les préparatifs de l'attentat, en correctionnelle, une peine confirmée en appel en décembre. D'après l'accusation, il a été, depuis Londres où il était installé et où les autorités britanniques le surveillaient, le «maître d'oeuvre d'une centrale d'information» et d'une «structure de financement du GIA» qui avait pour sa part revendiqué les attentats. Quant à Ramda, il a toujours clamé son innocence, et il vient de rééditer les mêmes déclarations dans une interview accordée au quotidien Libération. Néanmoins, selon les informations recueillies par les services de sécurité français et britanniques, il aurait été l'interlocuteur privilégie de Djamel Zitouni, à l'époque émir national du GIA, et son agent principal de propagande en Europe. Parmi les nombreux documents saisis lors de la perquisition eu son domicile londonien, figurait un ultimatum adressé le 27 août 1995 par Zitouni à Jacques Chirac, à l ‘époque président de la République française, lui enjoignant de se convertir à l'Islam. Refusant de se définir comme un émir du GIA, voire un fondamentaliste religieux ou un membre d'Al Qaîda, il assure qu'il n'est qu'un simple musulman qui vit dans les préceptes de sa foi et qui veut vivre en harmonie avec les principes d'humanité et de justice. «En ce qui concerne le financier que je suis censé être, les Britanniques, assure-t-il, ont confirmé à leurs collègues français qu'aucun compte en banque n'a été identifié comme pouvant être associé à Ramda», ou aux autres noms possibles qu'il a utilisés. Il estime par ailleurs que sa situation carcérale n'est pas très différente de celle vécue en Angleterre, où pendant sa détention il avait été maintenu en isolement dans une unité spéciale haut risque (Hssu). Quant à l'un des avocats de Rachid Ramda, il a dénoncé «une instruction à charge» contre son client. Lors d'une suspension d'audience, Me Anne-Guillaume Serre était interrogée par des journalistes sur les empreintes digitales relevées sur des documents de transfert de fonds qui, d'après l'accusation, prouvent le rôle de financier de Rachid Ramda dans les trois attentats. Selon l'avocat, les enquêteurs ont effectivement «retrouvé un ou deux documents portant ses empreintes, mais ont aussi saisi (en perquisitionnant le domicile de l'accusé à Londres,) un nombre incalculable de documents sur lesquels il n'y a pas ses empreintes».