Est-il encore de bon ton de se poser la simple question: «Que se passe-t-il réellement (aujourd'hui) en Syrie?» «Quels sont les fondements dudit printemps arabe?». Poser de telles questions - que l'on pourrait estimer sensées et inévitables - vous fera passer au mieux pour quelqu'un en décalage avec la réalité, plutôt pour un «idiot indécrottable». C'est ce qui a pu être constaté dans des débats sur des médias occidentaux lorsque des «experts» de service vous expliquent doctement le pourquoi des «révoltes» en Libye hier, en Syrie aujourd'hui. A partir de plateaux douillets, ces experts vous assènent sèchement «leurs» vérités censées couper court à toute autre interprétation, du moment que c'est «eux» qui le disent et de porter le «coup» - qu'ils estiment décisif -, montrer à profusion d'images et de photos de cadavres, de personnes mutilées, d'enfants carbonisés. Au JT, le présentateur, l'air peiné, vous dira «ce sont des images» qui nous viennent de Syrie, ce qui, estime-t-il, le libère des explications à fournir sur des événements dont la complexité le dépasse à l'évidence. Le téléspectateur devant cette overdose d'images qu'il ne peut, de toutes les façons, correctement assimiler, pour se faire sa propre opinion, les prend pour faits acquis sans chercher à aller plus loin. La BBC, entre autres, s'est essayée à ce jeu - elle présenta comme étant des Syriens des enfants martyrs irakiens morts lors de l'envahissement de l'Irak par les Etats-Unis - qui faillit réussir, n'était la dénonciation par l'auteur des photos, de la manipulation de ses images, rétablissant ainsi la vérité. Les médias occidentaux et du Golfe insistent aussi lourdement sur la «guerre civile» qui opposerait les «sbires» du régime Al Assad - qui, selon eux, tuent massivement et répriment sauvagement le peuple de Syrie - à de preux «soldats» qui défendraient la femme, l'enfant et l'opprimé. Bien sûr, les rebelles ne tuent que les hommes des «troupes meurtrières» d'Al Assad. Ces images d'Epinal aussi fausses que mensongères auraient fait sourire s'il n'y avait le fait qu'elles distillent le venin de la désinformation induisant sciemment en erreur lecteurs et téléspectateurs. D'autant plus que ces informations sur la Syrie proviennent d'une source unique à laquelle s'abreuvent sans complexe les médias occidentaux et monarchiques. Pour le journaliste qui respecte l'éthique et son métier, donner une seule version d'un événement - a fortiori, aussi important que le conflit syrien - est déjà contraire à la déontologie, est donc suspect. Aussi, comment admettre et comment se fait-il que des médias si sourcilleux quant à l'exactitude et à l'indépendance de l'information par ailleurs - exprimant des réserves lorsqu'ils ne peuvent pas recouper leurs sources - trouvent normal de balancer sans le minimum de contrôle des informations - à sens unique - sous monopole d'une ONG qui se dit «observateur syrien des droits de l'Homme» et travaillant à partir de l'étranger? Ces mêmes médias répètent aussi à satiété que les «méchantes» Russie et Chine bloquent les «sanctions» contre le régime Assad, passant en revanche sous silence le fait que la rébellion est armée, financée et entraînée par l'Occident et les monarchies (le Qatar, l'Arabie Saoudite, la Turquie et les Etats-Unis). Comme ils omettent de dire que les «djihadistes» - ils sont bien obligés de les citer ici et là - proviennent de la nébuleuse Al Qaîda. Vous imaginez des islamistes d'Al Qaîda travaillant côte à côte et main dans la main avec la CIA et les Etats-Unis pour renverser le régime de Bachar Al Assad? Voilà un exploit peu banal: les USA alliés d'Al Qaîda en Syrie! Qui l'aurait cru? Ainsi, les médias «bien-pensants» ne s'embarrassent plus d'éthique dès lors que l'objectif assigné reste de noircir au possible «l'image» du régime syrien et de son chef, Bachar Al Assad, en particulier. Ce qu'il y a lieu de relever est le fait que le conflit syrien «bénéficie» d'un traitement médiatique curieux et peu orthodoxe. Abandonnant leur neutralité, des médias prennent fait et cause pour une partie au détriment d'une information distanciée et crédible. Voici donc la presse devenue auxiliaire de plans de déstabilisation inavoués. Vous avez-dit déontologie?