Qui a dit que nos jeunes ne lisent pas? Le plaisir de se transporter d'un stand à l'autre. Ambiance chaude au Sila, des vagues massives de foules désorientées ont investi le Salon international du livre à Alger, un nombre incalculable de services sensés s'occuper de l'organisation, un pavillon plus fréquenté qu'un autre, un prix du livre qui ne se revoit pas à la baisse, des livres religieux, techniques, parascolaires et des contes pour enfants qui remplissent, sans surprise, le sac des familles nombreuses. Une forte fréquentation pour cette 17e édition certes, mais qu'en est-il de l'orientation de ce public, de cet appel absent à faire participer ce même public à de vrais débats de fond, organisés tout au long des conférences qui vont jusqu'à concerner les poches des ménages, venus s'abreuver de savoir. Et à quel prix et de quelle façon faire vivre et rayonner ce savoir, sans qu'il s'agisse pour une fois d'un quelconque mercantilisme? La plupart font un tour obnubilant du salon, à la recherche d'un catalogue ou d'un dépliant gratuit, certains livres n'étant pas plus serviables et assez chers, des catalogues dans lesquels sont disposés des produits ou ouvrages disponibles, sans vraiment penser un jour à rouvrir ces mêmes feuillets sur lesquels, beaucoup choisissent de s'asseoir parce qu'il s'avère que ces même feuillets bien touffus, comportent des hiéroglyphes, mais des chiffres aussi de dinars, plus visibles, vu leur désespérante clarté. Un Salon du livre qui a témoigné d'une grande chaleur où la plupart se désaltèrent sur les terrasses, par manque d'activité culturelle aussi, et force est de constater que le public ne peut faire autrement que de se balader ou s'asseoir une fois le salon visité. Difficile également de participer à une conférence, qui se trouverait dans des salles portant sur le programme, un abécédaire énigmatique, correspondant à des noms de salles qu'il aura fallu deviner, situer, après trois jours de ballottage, et d'arriver enfin à douter de la présence d'un débat, vu l'absence total de public, des salles quasi vides témoins d'hommages transpirant de solitude, des salles abandonnées, voire boudées par leurs invités. Pour exemple, la conférence qui a porté ce samedi sur la problématique de l'achat des droits et de la coédition, tenue grâce à un effort visible et sincère, qui a visé notamment à éclaircir la situation du livre en Algérie, à travers les interventions de Sami Bencheikh, directeur général de l'Onda (Organisation nationale des droits d'auteurs), du directeur des éditions Media-plus Saïd Hannachi, Hassen Bendif, directeur du Centre national du livre CNL, ainsi que la directrice de la Maison dédition égyptienne El Aïn. Sami Bencheikh déplorera lors de cette rencontre, l'absence des responsables de maisons d'éditions algériennes: «Ce n'est pas normal que les plus concernés ne soient pas présents, c'est pourtant un sujet important qui se veut soucieux d'un meilleur avenir du livre en Algérie (Casbah, Chihab, Barzakh) Est-ce un boycott?» A l'instar du directeur de Dar El Outhmania et de Saïd Hannachi qui appuiera ce point important en s'exprimant sur son expérience d'éditeur, à travers ses nombreuses démarches de négociations, insistantes parfois, afin d'offrir le privilège aux lecteurs algériens de découvrir des ouvrages d'actualité et d'histoire souvent indisponibles, «des livres qui intéressent le lectorat algérien». Et de s'interroger: «Il y a le lecteur, puisque sans lecteur on est rien du tout, mais qu'est-ce qu'on peut offrir au lecteur, est-ce qu'on lui offre un livre à 3 000 dinars, ou bien le même livre en euros à 1500 dinars, ou à 1000 dinars». Et de continuer: «L'avantage dacheter les droits c'est aussi la possibilité de permettre au lectorat algérien de lire, malheureusement les gens qui lisent n'ont pas beaucoup de moyens». Saïd Hannachi ajoutera également: «Offrir au lecteur algérien un livre au prix au moins réduit à 50% de sa valeur en euros» et la difficulté d'acheter les droits de certains livres, fortement recherchés par les lecteurs, et en particulier des étudiants, comme Nedjma de Kateb Yacine, édité chez la maison d'éditions Le Seuil, souvent indisponible à cause «du retard des importateurs», un ouvrage que la maison d'éditions Le Seuil refuse d'en céder les droits. Un sujet qui a manqué de rassembler les plus hauts concernés tels que les éditeurs, en plus d'une organisation paresseuse qui n'aura pas su malgré son effectif assez conséquent, et une programmation assez maigre vu le nombre des annulations, à fournir plus d'indications pour le public, sur des débats culturels et d'histoire, constituant ce mouvement du savoir pourtant nécessaire et primordial. Il reste toutefois le plaisir de se transporter d'un stand à l'autre, en vue de témoigner d'un spectacle figé et fort coûteux.