Après Le café de l'imam, l'auteure nous est revenue cette année avec un nouvel essai qui se veut incisif et sans concession dans son analyse de la société algérienne. Un livre plus audacieux dans le propos. Comme cette chape de plomb qu'on tente courageusement aujourd'hui de faire sauter pour atteindre la liberté. Un sentiment bien réel auquel les pays arabes se sont accrochés mordicus il y a plus d'un an... Mais il est comme des vérités sournoises qui vous poussent à croire que le Paradis ici n'est pas pour vous, dans ce pays moribond, en éternel turpitude et dans la tourmente qui n'en finit pas de croire pourtant en des jours meilleurs. La salle d'attente le nom de cet essai qui fait moins de cent pages, se lit d'un trait. Court, mais qui dénombre une multitude d'idées, foisonnantes sur de nombreux points qui reviennent souvent dans ses écrits, la femme, la qualité de vie et le pouvoir politique sont les leitmotivs qui illustrent la vision des choses de Fadéla M'rabet qui se dit vouloir être toujours fidèle à sa «voix intérieure» non pas dans le souci de raconter une histoire mais par équité de témoignage. Dès les premières pages, elle fait ce constat: «Nous sommes en attente d'un monde qui englobe tous les mondes, ceux d'Orient et d'Occident. Des mondes qu'on n'arrive pas à fusionner parce que nous sommes sous l'emprise de prédateurs qui veulent qu'on les combatte en nous. Ceux-là mêmes qui nous refusent et la culture arabe et la culture occidentale. Ainsi il y a de l'Orient et de l'Occident en nous, mais il n'y a pas de fusion. Parce que nous restons exposés à trois sources d'aliénation: celle du pouvoir patriarcal, celle du pouvoir colonial, celle du pouvoir postcolonial» résume-t-elle. Une fusion dont elle dit se prévaloir pourtant et qui constitue sa particularité, se vante-t-elle avec modestie. Fadéla M'rabet, évoque le passé constamment mais redescend sur terre pour illustrer ce présent amer. Elle dénonce les pilleurs de l'Algérie d'aujourd'hui dans une vérité presque naïve, «l'oligarchie clanique» et cette mafia politico-financière qui se sont accaparé de tout, poussant les jeunes à quitter le navire, à l'exil et la harga. l'auteure de Alger, un théâtre de revenants évoque l'attente, des algériens qui ne font que «désespérer» et leurs «sentiments d'une vie provisoire». Fadéla se veut à la fois la somme d'une frontière qui explose au gré d'un mariage de l'Orient et de l'Occident, fonction dans laquelle ont échoué la plupart des Algériens. Non pas en opposition, au contraire, Fadela prône leur union comme une résultante naturelle, normale. La féministe qu'elle est hausse le ton et s'élève contre toute domination de l'homme qu'elle associe bizarrement au pouvoir colonial et son corollaire, son ascendant, pouvoir patriarcal. Un asservissement à ce dernier qui dénie à la femme la liberté de penser, de se mouvoir en tant qu'unité individuelle mais l'accule à se noyer dans le collectif sourd et limité. Ce qui n'est pas tout à fait faux. Fadela M'rabet s'essaye aussi à l'analyse politico-sociale en dressant un tableau sévère contre les dirigeants des pays tout en déclarant sa flamme ardente et incommensurable pour son pays. Qui aime bien châtie bien, sommes-nous tentés de dire, tant ceci s'applique grandement à cette situation de double discours que celui qui impose une certaine rigueur dans le regard et la meilleure attitude à suivre pour celui qu'on affectionne. Dans ce récit pour lequel Fadela M'rabet a été invitée tout au long du Salon du livre à signer au stand des éditions Dalimen, le passé intime de l'écrvaine se confond avec le présent astringent de l'Algérie. «l'Algérie c'est Djedda. Je suis habitée par son maintien, sa voix, ses parfums.»» avoue-t-elle dans son livre. L'auteure et docteur en biologie n'en finit pas d'écrire le même livre tout en lui adjoignant une couche de colère supplémentaire, sans doute fatiguée d'attendre que son pays s'améliore enfin et puisse redresser de nouveau sa tête de la fange. Un pays ployé sous les difficultés économiques mais encore par une certaine mentalité qui le pousse souvent vers le nihilisme, d'autant plus éloquemment quand il s'agit de maltraiter ses femmes. Cheval de bataille de la féministe qu'elle est depuis des années.. dans cette attente d'une Algérie distinguée et éclairée, Fadela Merabet a le temps de se laisser aller à la rêverie, évader son imaginaire, et de ses souvenirs de son passé, en laissant échapper les effluves des quelques quaâdates familiales d'antan, se remémorer sa tendre enfance et se laisser envahir par le sentiment de nostalgie nimbée d'insouciance, de partage et d'amitié, de gâteaux au miel et de tendresse sereine. Fadela M'rabet parle de son pays certes avec acuité, sans pour autant oublier ce qui se passe dans le monde sur lequel elle y apporte un regard tout aussi implacable sur «cet occident qui autrefois guerroyait au nom de la civilisation et aujourd'hui au nom de la démocratie». Et de dénoncer ainsi cette ignorance galopante qui revient au-devant de la scène au lieu d'éduquer, enseigner la vraie histoire et insuffler vie à la science dans l'esprit des enfants. Elle évoque ainsi la jeunesse par laquelle se termine son livre. «Douleur lancinante. Toutes mes peines naissent d'elles et c'est en elle que meurent toutes mes joies.»