La crise qui secoue le FLN menace-t-elle la stabilité même des institutions de l'Etat ? Un fait saillant dans les annales politiques en Algérie, la crise du FLN amène les officiels algériens à troquer la casquette de commis de l'Etat contre celle de partisans de partis politiques, lors des cérémonies officielles. La crise qui secoue le FLN menace-t-elle la stabilité même des institutions de l'Etat ? Hier, les présents à la cérémonie d'ouverture des travaux de la 23e session plénière du Cnes, inspirés du discours de M.Karim Younès, président de l'APN, ont eu tous à se poser cette question. La crise semble atteindre le sommet. En effet, l'intervention de Karim Younès, l'invité du président du Cnes, sonnait comme un réquisitoire contre la politique du gouvernement et les choix du premier magistrat du pays. L'orateur prend tout de même le soin de noter que son constat est le résultat «d'une lecture avancée des rapports du Cnes». Une façon élégante de plaider la neutralité de sa vision, sinon de son discours prononcé en présence du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia. D'emblée, Karim Younès enregistre que «si le taux de chômage tend à la baisse et que si la croissance a encore émis des signaux de progression, les facteurs exogènes qui expliquent ces résultats positifs, comme les conditions climatiques favorables et le raffermissement du cours du baril, n'en continuent pas moins d'être déterminants dans l'équation globale de notre économie». Par-delà la poursuite constatée par le Cnes de la consolidation des paramètres macroéconomiques, «les résultats obtenus demeurent fragiles, et notre économie reste caractérisée par un niveau inacceptable de vulnérabilité», ajoute-t-il. II ne rate pas non plus l'occasion de reprendre l'observation du Cnes, par rapport «à l'absence prolongée de politique publique cohérente et inscrite dans le temps», allusion faite à l'instabilité dans l'Exécutif. Par ailleurs, le président de l'APN a longuement insisté sur «le rôle positif» et son indépendance par rapport aux institutions de l'Etat. «Le Cnes, en ce qu'il symbolise d'indépendance d'idées, d'autonomie de pensée et de liberté d'opinion» participe à l'émergence d'une véritable société civile dans notre pays. Une indépendance que l'Etat doit consolider, souligne-t-il, en l'aidant à s'acquitter de ses missions, mais aussi en «l'acceptant comme instance à part entière dans le paysage institutionnel algérien et en respectant ses critiques». Le message est adressé bien évidemment au président, ayant émis des critiques à l'égard de cet organisme, rappelant dans ce cadre que Bouteflika a procédé à l'installation, depuis quelques mois, d'un observatoire de statistiques et de la recherche scientifique, que l'on a qualifié à l'époque «comme l'alternative présidentielle au Cnes» Le bilan sévère du président de l'APN, même s'il est vrai qu'il se réfère aux experts du Cnes, n'en cache pas moins des arrière-pensées politiques en relation directe avec les problèmes du plus vieux parti du pays. II n'est un secret pour personne que la «direction légaliste» du FLN accuse le gouvernement d'Ouyahia de cautionner, sinon de soutenir les actions des redresseurs. Un fait saillant dans les annales politiques en Algérie, cette crise amène les officiels algériens à troquer la casquette de commis de l'Etat contre celle de partisans de partis politiques, lors des cérémonies officielles. En marge de cette rencontre, le ministre des Affaires étrangères, de surcroît, coordinateur des redresseurs, a bien voulu encore une fois, répondre aux interrogations des journalistes sur le congrès de son mouvement. «Il aura bien lieu avant la fin de l'année», explique-t-il. Par ailleurs, dans la foulée, l'on a appris que le chef du gouvernement, gêné vraisemblablement par le discours de Karim Younès, a renoncé à son discours. Il quitte la salle du Palais des nations, en s'abstenant de faire le moindre commentaire à la presse qui l'avait sollicité. Dans un autre chapitre, le président du Cnes a bien défendu son institution dans son intervention: «Le Cnes a pour vocation d'offrir un espace fécond au débat contradictoire et à l'analyse sereine et objective à l'abri de toutes surenchères et considérations contingentes.» Plus explicite, il précise qu' «il n'appartient pas au Cnes d'encenser les uns ni de diaboliser les autres. Nous n'éprouvons nul besoin de puiser dans le réservoir de la révolte ni dans le registre des récriminations.» En d'autres termes, les critiques du Cnes ne visent pas les personnes mais les politiques. Mieux encore, le Cnes semble fixer comme axes fondateurs de sa ligne directrice son affirmation comme un espace autonome d'expression, loin des considérations politiques.