Depuis quelques jours, les portables du square Port-Saïd (Alger) ne sont plus connectés à cette ville. La place forte du change parallèle n'est plus alimentée. Motif : plus de 50 pourvoyeurs en devises sont en prison. Résultat : le franc français a grimpé et valait, hier, 13,20 DA au marché noir. Il aura fallu que les policiers de la Brigade économique et financière (Bef) de la sûreté de wilaya d'Alger mettent la main sur le plus gros trafic financier que l'Algérie ait connu et qui sévissait à Bir El-Ater à la frontière tunisienne pour que soient révélés au grand jour les «tireurs de ficelles» du célèbre «marché financier» du square Port-Saïd à Alger. Et que la distance qui sépare les deux points explique la pratique intensive du GSM. Explications: s'inscrire au registre du commerce était devenu un sport national à Bir El-Ater. Tout le monde ou presque pensait au RC dès qu'il voulait se «faire» un peu d'argent. Simple opération administrative destinée à «louer» le document attestant du registre du commerce à des affairistes de la ville. Ces derniers ajoutaient cette pièce à d'autres (entièrement fausses) exigées dans la constitution de dossiers d'importations (totalement fictives) afin d'obtenir une domiciliation bancaire. En clair, les trafiquants faisaient transférer des sommes colossales à l'étranger par le biais des banques algériennes (BDL, CPA, BEA...) qui payaient des factures d'importations fictives. Bien sûr, des sociétés étaient créées de l'autre côté (en Turquie et aux Emirats arabes unis) pour faire office de fournisseurs. Une gymnastique qui peut se résumer à un transfert de devises sous forme de paiement de marchandises qui, en vérité, n'existent pas. L'avantage est que ce transfert se faisait au taux avantageux de la banque, c'est-à-dire, autour des 10%. Une partie des devises revenait alors en Algérie et était écoulée au square Port-Saïd au taux de 12%. S'agissant de sommes considérables (le trafic est évalué à près de 300 millions de dollars) le profit était énorme. Maintenant que la source est tarie et que les malfaiteurs sont sous les verrous le change a atteint les 13%. L'offre n'est plus ce qu'elle était. Mais les policiers ne se contentent pas de ce résultat, ils veulent assécher complètement la source et continuent leurs investigations. D'autres arrestations sont en vue. Quant aux adeptes du «sport national» à Bir El-Ater, ils s'en mordent les doigts. La justice et le fisc n'ont pas fini de leur demander des comptes. L'inscription au registre du commerce comporte des obligations imprescriptibles. Les habitants de Bir El-Ater ne le savaient pas. Ils l'apprendront à leurs dépens.