Une scène du film La bataille d'Alger le parcours vers la déflagration de novembre 54, fut très ardu. Depuis 1962, aucun livre ne relate de façon chronologique les grandes lignes historiques inhérentes à la guerre de Libération nationale, alors que par sa spécificité, la Guerre d'Algérie est considérée à travers le monde comme étant l'un des plus grands événements qui ont marqué le XXe siècle. C'est dans cette optique que je voudrais, en tant que chercheur et acteur, apporter une modeste contribution susceptible de mettre en relief certains évènements importants qui se sont déroulés, notamment dans la capitale. Tout d'abord, il y a lieu de rendre hommage à tous les précurseurs de la lutte armée et surtout les pionniers qui, bien avant 1954, ont tracé la route vers la libération de la patrie, ils sont des milliers, ces patriotes oubliés, morts dans l'anonymat, dans les geôles, déportés, fusillés. Le dernier souffle de ces militants était pour que «Vive l'Algérie libre». Une date historiquement marquante fut la répression du 08 mai 1945, l'arbitraire et ses conséquences allaient matérialiser la réaction d'hommes épris de justice qui, comprenant que la liberté s'arrache, se démarquèrent de la lutte légaliste et de l'attentisme politique. Cette nouvelle orientation fut le tournant qui allait précipiter les événements vers le chemin de la lutte armée, avec d'abord la création en 1947 d'une organisation paramilitaire (l'OS) sous la responsabilité de Mohamed Belouizdad qui joua un grand rôle dans la préparation des hommes, et la récupération des armes qui servirent au déclenchement de la lutte armée. Cependant, le parcours vers la déflagration de novembre 54, fut très ardu, compte tenu des divergences internes dont l'effet fut aggravé par l'arrestation de centaines de militants de l'OS. Malgré cette situation, le processus de préparation se remit en marche grâce à la détermination de ces hommes. Ce qui mena à la création du FLN/ALN, issu du Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action (Crua). A ce propos, je voudrais ouvrir une parenthèse sur une phrase lancée par Didouche Mourad lors de la réunion des 22 membres de l'OS, durant le mois de juin 1954: «Si nous devions mourir durant le parcours de la lutte armée, d'autres hommes nous relayeront.» Sa prédiction et sa clairvoyance se sont vérifiées. En effet, dès le déclenchement de l'insurrection et face à une guerre démentielle, de valeureux combattants tombèrent au champ d'honneur, et c'est assurément grâce à une succession d'hommes qui prirent le relais de la lutte qui a permis la continuité du combat. A l'instar des maquis, la capitale a connu trois relais organisationnels. En effet, après les premières actions armées perpétrées à Alger presque tous les novembristes finirent par être arrêtés par la police française, mais à partir de l'année 1955, l'organisation fut réactivée par Arezki Bouzrina, Krim Belkacem et Amar Ouamrane. Ils réussissent à implanter des groupes armés, les uns sous la responsabilité de Mustapha Fettal et de Gouchaffa Mokhtar, d'autres sous celle de Hadj Otmane Ramel. Durant cette période, toutes les tendances politiques algériennes et certains libéraux français rallièrent le FLN, grâce à Abane Ramdane et Mohamed Lebjaoui, sans oublier le rôle joué par Abderrezak Belhaffaf dit «Houd» responsable des services de renseignements du front qui a permis à Abane d'être au courant de tout ce qui se tramait dans les coulisses de l'administration coloniale. Le deuxième relais organisationnel dans la capitale s'est réalisé à la suite du Congrès de la Soummam du 20 Août 1956. Alger fut érigée en Zone autonome (ZAA) et devint le siège du Comité de coordination et d'exécution (CCE). Aussi et afin d'élargir son implantation dans la capitale, la Zone autonome fut scindée en deux branches. L'une politique, dirigée par Chergui Brahim, ancien responsable de l'OS du Constantinois, tandis que la branche militaire fut confiée à Yacef Saâdi sous la responsabilité de Larbi Ben M'hidi considéré comme le théoricien de la lutte urbaine. Chacune de ces deux branches était constituée de trois régions, ne se rejoignant qu'au niveau du CCE. Toutefois, la grève des huit jours décrétée par le CCE pour appuyer la question algérienne inscrite à l'Assemblée générale des Nations unies, a été le prélude au démantèlement de la ZAA. Le général Massu, responsable de la 10e division de parachutistes, donna à cette grève un sens insurrectionnel lui permettant, d'une part, d'envahir la capitale pour mettre fin à une résistance qui commençait à avoir une résonance mondiale, et d'autre part, mettre également fin au syndrome contracté par son armée suite à l'humiliation subie durant la bataille de Diên-Biên Phu (Vietnam en 1954) et de ce fait redorer leur blason terni. C'est dans cet ensemble d'idées que fut actionnée une vaste opération (dite «Champagne», de torture à grande échelle qui se solda en cette année 1957, par le démantèlement de la ZAA. Le 3e relais de la lutte urbaine s'effectuera au début de l'année 1959, et cela au moment où le général Massu claironnait qu'Alger pacifiée était devenue un havre de paix avec le slogan tant répété «Algérie française», l'explosion d'un obus de 80mm remodelé en bombe piégée souffla littéralement le premier niveau du centre commercial des Galeries de France, situé en pleine rue d'Isly (actuellement Rue Larbi Ben M'Hidi). C'était le 24 septembre 1959, faisant plusieurs morts et blessés, suivie par plusieurs attentats à la bombe entre autres, au Monoprix de l'ex-rue Michelet, le 22 août 59, la Gare d'Alger le 8 octobre 1959. Ce fut de nouveau la psychose des attentats à la bombe qui s'installa dans le camp des tendances ultras. Ces attentats à la bombe ont été reconnus par l'ONM lors de la tenue de la 4e conférence sur l'écriture de l'histoire de la révolution armée (le 25.09.1986). Ces actions furent entreprises par une nouvelle génération qui, en liaison avec la Wilaya 3 et d'autres avec la Wilaya 4 réussirent de nouveau à faire résonner la voix de la résistance dans la dernière bataille d'Alger.