A l'arrivée des gendarmes, les trois jeunes étaient debout, le torse nu, prêts à en découdre... L'application de la loi dans notre pays est devenue, un exercice de gymnastique risqué pour les services de sécurité chargés de mener à bien une mission de salubrité publique. A Bouharoun (Tipasa) vingt et une demeures aménagées illicitement devaient être détruites sur place, le temps que les familles informées à temps puissent plier bagage fassent place nette. Or, en cette journée de veille de fête de l'Aïd El Kébir, les gendarmes sont abasourdis en voyant de loin quatre jeunes, torse nu, brandissant des armes blanches et des cocktail, Molotov qui les attendaient de pied ferme. Et lorsque les gendarmes montrent le bout du nez, c'est pour aller jusqu'au bout de leur mission: dégager les lieux, au nom de la loi clairement et simplement. L'assaut donné par les «verderons» permettra de neutraliser trois des quatre jeunes (le quatrième était un mineur de seize ans et de les présenter devant les services de Abdenour Gaci, le procureur de la République près le tribunal de Koléa (cour de Blida). Le mandat de dépôt est prononcé, l'écrou avec. Devant Hadj Rabah Baric, le président de la section correctionnelle du tribunal de Koléa. Nourredine, son jeune frère et Hakim nient farouchement avoir jeté des cocktail Molotov (bouteille) et encore moins manié des armes blanches de quelque nature que ce soit. Malek Drissi, le procureur, allait requérir le fait que ces trois jeunes sont coupables des trois inculpations. Les trois avocats constitués à cet effet se sont évertués à étaler la vérité qui n'est pas forcément celle des poursuivants et de la gendarmerie dont la police judiciaire est réputée rigoureuse et sereine dans ses investigations. Même le fougueux avocat de Blida, Maître Djamel Boulfrad, l'a fort bien souligné en estimant toutefois que ce dossier a vu les gendarmes passer à côté de leurs sujets surtout qu'il y avait des flammes de «Molotov» dans les airs, polluant l'atmosphère et les esprits... Ce qui est nettement apparu dans ces débats, c'est le malaise entre l'administration et les administrés. Un malaise qui est issu de l'irrespect de la loi et surtout de la lenteur des services de l'administration. «Les services de sécurité travaillent sur réquisition, on leur siffle, l'Etat étant bafoué. Ils accourent sans ménagement. Le dialogue est absolument absent», estimera plus tard Maître Boulfrad qui tentera surtout de sensibiliser Hadj Baric, le président de la section pénale qui ne s'embrouille jamais dans l'obscurité. C'est net, clair? C'est la relaxe ou la condamnation. Il ne joue jamais avec la liberté des gens. Il demeure toutefois que ce même juge du siège a sous les yeux des procès-verbaux de... braise. Il y a des faits et des faits ardents, brûlants pour ceux qui s'en sont approchés. Il y a même ce Malek Drissi, le procureur qui reste à l'affût, prêt à dégainer en interjetant appel si le verdict ne va pas en droite ligne du respect de la loi. Les trois jeunes se sont défendus, et bien même. Mais il y a ces photos où on les voit debout, torsenus, tenant à la main des bouteilles prêtes à cracher des flammes dévastatrices et dommageables. Maître Boulfrad tentera bien une diversion en demandant au magistrat de jeter un oeil sur l'acte de propriété. Baric refuse, arguant que les faits n'ont rien à voir avec la régularité ou pas de l'acte de propriété du terrain. «Maître, soyons rigides. Nous avons des inculpations graves. Restons-y et voyons comment nous allons en sortir sans trop de bobos!», articule le président qui va se farcir trois longues minutes lorsque Drissi se lève pour requérir contre des gens qui se sont élevés contre l'autorité de l'Etat, «détournement que les dangereux actes vécus dans les alentours des constructions illicites n'ont pas été trop dommageables. Et il y a le maniement des armes blanches y compris de longues lames qui s'apparentent à une épée du Moyen Âge». Plutôt discret durant les débats de quarante-deux minutes entre Hadj Baric, Malek Drissi, les trios détenus, le témoin et les trois défenseurs, Maître Djamel Boulfrad prend la parole juste avant Maître Khadidja Kerfa. Il s'attaque d'emblée aux points de droit où la loi a été bafouée par ceux-là mêmes qui sont chargés d'appliquer la loi certes, mais aussi et surtout de protéger les citoyens, pas de les réprimer. «Mon client est né en 1989, donc encore jeune ne pouvant maîtriser la colère qui lui a fait oublier qu'il avait un boulot stable et un casier vierge. Aujourd'hui, il a honte avec cette maudite détention vierge qui menace son futur mariage. Il mérite de larges circonstances atténuantes», a dit le plaideur qui n'a pas voulu agacer le tribunal à qui il a demandé l'indulgence et d'oublier l'ire qui l'a jeté dans ce bassin des poursuites: «Le plus important à retenir, c'est la colère qui l'a noyé et poussé vers le débordement regrettable», a conclu le conseil qui s'était même permis un long paragraphe en langue française pour ce qui est de la pédagogie du juge, ce juge réputé comme étant sévère certes mais surtout humain. Piaffant d'impatience, Maître Kerfa du barreau d'Alger et révoltée à la limite de l'ire, débute sa brève mais percutante intervention par un tir nourri en direction des services de l'administration qui pousse pour ses excès à la... rébellion. «Le jeune justiciable se trouvait chez lui lorsqu'il a sursauté après avoir été secoué par de grandes coups sur le porte. En ouvrant, on le somme de plier bagages immédiatement. Il répond que son épouse était enceinte, il ne pouvait donc pas s'exécuter et partir, pas cette journée en tout cas. Il exhibe le certificat médical. Il est comme même bousculé. La procédure bâclée ne suffisant pas, voilà que l'on le malmène devant sa femme. Karim voit sa maman accompagnée de sa soeur enceinte et il voit rouge car il a deviné qu'elles étaient venues ramener leurs effets. Il est alors embarqué sans qu'il ait des choses à se reprocher. «C'est inadmissible!» a crié l'avocate qui insiste que la violence ne mène à rien ou plutôt si: aux ennuis. Karim et sa femme sont dans la rue. N'est-ce pas suffisant comme verdict? Elle se rasseoit dégoûtée...