Considérée comme l'un des derniers bastions du commerce de l'informel, la rue Bouzrina a retrouvé, depuis jeudi, sa fluidité et son lustre d'antan, qui en avaient fait sa renommée. Ceux qui empruntent régulièrement la rue Bouzrina ex-rue de la Lyre pour se rendre à la place des Martyrs ou au centre-ville, ont été surpris, jeudi, de ne pas croiser sur leur chemin les nombreux vendeurs à la sauvette qui avaient squatté cette importante artère de la capitale et en avaient fait, des années durant, leur sanctuaire. Agissant de nuit pour ne pas compromettre leur action et éviter tout risque de débordement, les agents de police dépêchés sur les lieux avaient reçu ordre de nettoyer la place, en la débarrassant de tous les étals de fortunes et objets encombrants que les marchands de l'informel avaient installés partout pour s'adonner à leur juteux commerce. Selon plusieurs témoins, les policiers chargés du rétablissement de l'ordre, ont mis plusieurs heures pour «nettoyer» complètement l'artère et la rendre aux automobilistes et aux piétons qui l'avaient désertée. Les premiers qui avaient le plus souffert de la présence de ces centaines de commerçants illégaux étaient obligés, à chaque fois qu'ils empruntaient cette artère, de s'adonner à une sacrée gymnastique et mettaient parfois près d'un quart d'heure pour la traverser de bout en bout. S'étant retrouvés piégés, malgré eux, au milieu de cette marée humaine qui circule dans tous les sens et ralentit leur course, les seconds n'avaient d'autre choix que de prendre leur mal en patience pour quitter sans dommages les lieux. Quant aux commerçants légaux, la présence de ces marchands d'un autre âge a influé négativement sur leur négoce, ils ont poussé un grand ouf de soulagement, en apprenant la nouvelle. «Je n'en croyais pas mes yeux lorsque j'ai vu que les marchands ambulants avaient disparu de la place», nous a confié l'un d'eux. Ayant appris la nouvelle par un habitant du quartier qui était présent au moment où les policiers avait investi la rue pour faire le ménage, un autre qui était encore sous l'émotion, nous dira d'une voix hésitante: «C'est vers minuit, mercredi, que l'opération a commencé et a duré jusqu'à l'aube. Lorsque les marchands ambulants sont arrivés sur les lieux, ils ont trouvé que leurs étals de fortune n'étaient plus là et qu'un cordon de sécurité avait été déployé tout le long de la rue de la Lyre et des rues commerçantes adjacentes pour empêcher qu'ils s'y installent de nouveau.» Visiblement très content, lui aussi, à la suite de cette opération qu'il attendait depuis le jour où l'Etat avait annoncé qu'il allait mettre tout en oeuvre pour éradiquer définitivement le commerce informel, un propriétaire de magasin, spécialisé dans la vente d'habits pour femmes, nous a affirmé qu'il nourrissait quelques appréhensions, soulignant que ce n'est pas la première fois que les marchands illégaux sont expulsés de la rue de la Lyre qu'ils occupaient. «C'est la troisième fois qu'ils sont expulsés. A chaque fois, on nous déclare que, cette fois-ci, c'est la bonne, mais quelque temps après en avoir été chassés, les commerçants illégaux reviennent et reprennent possession de la rue de la Lyre et des artères alentour.» Lors de notre passage, jeudi, nous n'avons remarqué la présence d'aucun d'entre eux, ni à l'intérieur des arcades où ils avaient pris l'habitude de s'installer, ni en dehors. La circulation automobile est devenue plus fluide et les passants, habituellement très stressés, sont très contents de retrouver cet espace de liberté et ce calme qui leur avaient tant manqué.