Appartements de luxe non déclarés, enfants dans des collèges privés à l'étranger ou doctorats plagiés : une avalanche de révélations s'est abattue via l'Internet russe ces dernières semaines sur des députés et des hauts-fonctionnaires partisans de Vladimir Poutine. Fait inédit, un responsable parlementaire du parti au pouvoir Russie unie, le chef du comité d'éthique de la Douma (chambre basse), Vladimir Pekhtine, a même dû présenter sa démission en février après la publication sur des blogs d'opposition de documents selon lesquels il possède deux appartements sur le front de mer à Miami, en Floride. Ceci en pleine campagne antiaméricaine en Russie. Vendredi, la Douma a décidé de « mettre fin avant terme au mandat » de M. Pekhtine. Les documents sur ce député ont été obtenus par le blogueur Andreï Zaïakine, alias Doct-Z, et publiés sur le blog d'Alexeï Navalny, l'un des chefs de file de l'opposition au président Poutine et pourfendeur de longue date de la corruption et de ceux qu'il dénonce comme étant de faux patriotes. Le scandale a été relayé cette semaine par la publication d'une enquête sur l'appartement de luxe où vit à Moscou Irina Iarovaïa, présidente médiatisée de la commission de la Douma chargée de la lutte contre la corruption. L'enquête a été menée par la revue russe d'opposition The New Times, alertée elle aussi par un internaute. Elle a montré que Mme Iarovaïa vivait dans un appartement acquis en 2006 au nom de sa fille de 17 ans à l'époque, d'une valeur de près de trois millions de dollars. Mme Iarovaïa dispose d'un appartement de fonction, qui seul figure dans sa déclaration. Mme Iarovaïa a qualifié de « sales insinuations » ces révélations, qui ont provoqué une vague de commentaires sarcastiques sur l'internet. « Sa fille est-elle tellement douée qu'elle a commencé à gagner de l'argent dès l'enfance?! », a ironisé à l'antenne une journaliste de la chaîne de télévision câblée RBK. Le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant Pavel Astakhov, ardent défenseur - et selon les blogs l'auteur - de la récente loi interdisant les adoptions d'enfants russes par des Américains, s'est pour sa part vu reprocher d'avoir préféré pour son propre enfant la Côte d'Azur à la Russie. Il avait posé en 2009 pour un magazine glamour dans une villa luxueuse de cette région du sud-est de la France avec son épouse et son jeune fils. Cette publication, dans laquelle il expliquait que sa femme avait accouché à Nice dans la même chambre qu'Angelina Jolie, est ressortie sur l'internet à l'occasion de la récente controverse. « En quoi est-ce un crime?! J'ai pensé à la santé de ma femme et à mon futur enfant », s'est défendu jeudi M. Astakhov. Le blogueur Andreï Malyguine a par ailleurs retrouvé un article dans lequel le même Pavel Astakhov qualifiait les Etats-Unis, où il a suivi des cours de droit au début des années 2000, de « deuxième Patrie », ainsi qu'une interview de son fils aîné sur ses études à Oxford et à Londres. Alexeï Navalny s'en est pour sa part pris en décembre au vice-président de la Douma Sergueï Jelezniak, révélant que ses deux filles faisaient leurs études dans des établissements huppés en Suisse et en Grande-Bretagne. Ce responsable du parti soutenant le pouvoir Russie unie est connu pour être un partisan de l'éducation «patriotique », et un ardent promoteur de la loi adoptée en 2012 qui qualifie d' « agent de l'étranger » toute ONG bénéficiant d'un financement étranger. « Jelezniak a un bon instinct paternel. Il comprend que les universités suisses sont meilleures que celles dirigées par ses confrères de Russie unie » dont un est l'auteur d'une «fausse thèse », ironisait Alexeï Navalny. Il faisait allusion à un autre député de Russie unie, Vladimir Bourmatov, qui dirige la chaire de sciences politiques au prestigieux Institut Plekhanov de Moscou, et dans la thèse duquel les blogueurs ont décelé en décembre des signes de plagiat. Le député n'a pas quitté le Parlement, mais a dû renoncer à son poste de chef adjoint de la commission pour l'Education de la Douma. Cette semaine, c'est la thèse du député de Russie unie Igor Igochine qui a été scrutée à la loupe. Celle-ci, qui porte sur la concurrence dans l'industrie alimentaire, s'est avérée être la copie presque conforme d'une thèse soutenue deux ans plus tôt.