Une certaine conception du théâtre commence à voir le jour, il s'agit du théâtre conjoncturel. Dès que le rideau s'est levé, l'obscurité de la salle a été traversée par un cri. Un cri extériorisant l'amour que chaque nationaliste a dans son coeur. Dans un cadre caricatural, mélangé au théâtre populaire, «Cri d'amour», la dernière production de l'Association Arts et Cultures de Baraki et mise en scène par Ahmed Benaissa, nous a retracé la situation politique de l'Algérie post-indépendance, et cela, en revenant au thème d'El Goual, interprété par la jeune Kadour Manal, qui racontait l'histoire de notre Algérie. Ainsi et sous le règne de Chadli, le goual nous a raconté comment pour unir un peuple, souffrant et déstabilisé par les événements d'Octobre 1988, la solution était de les diviser davantage. Les diviser entre démocrates, islamistes, nationalistes,...et comment le pays a été plongé dans le chaos. Comment, pour l'amour de la patrie, un homme est revenu du passé et a été lâchement assassiné par les ennemis de la république... «Quand un cri fuse du fond de l'émotion ça ne peut être que celui de l'amour, quel amour! Plaisanterie oblige, un amour profond et émergent. Un appel pour un pays blessé, touché en mal de sensation, un pays souffrant d'un mal prédestiné. Un cri unique, authentique pour un horizon luisant, un azur souriant et l'espoir d'un havre de paix et de liberté. Un cri pour ce peuple-héros, pour vivre à l'unisson, avec courage et paisibilité.» C'est ce qu'on pouvait lire dans le synopsis, mais le public, présent jeudi dernier à la salle El Mougar, est resté sur sa faim, attendant, à chaque réplique, que les comédiens développent et donnent plus de vie et de maturité au texte. Mais hélas, le côté conjoncturel de la pièce (avec les prochaines élections) a pratiquement pris la part du lion dans cette oeuvre. Ainsi, «Cri d'amour» est plus un message politique qu'une oeuvre culturelle. Il est manifeste que le théâtre connaît dans notre pays une crise grave (une crise qui est un secret de Polichinelle). Il est même certain qu'une certaine conception du théâtre, en divorce avec les besoins évalués, est en train de prendre forme, parlant ici du théâtre conjoncturel, ainsi et après «Bla Zaaf» de Sonia, qui a été réalisé au moment où on révisait le Code de la famille, Ahmed Benaissa nous revient avec cette pièce qui coïncide avec les élections présidentielles. Toutefois, il s'agit de comprendre les raisons de cette crise, de faire le bilan de l'expérience théâtrale nationale et d'essayer de trouver des chemins nouveaux. En Algérie, le théâtre, quoi qu'en disent certains spécialistes, n'a pas d'hommes soucieux pour le remettre sur pied. Outre le problème de production, il est important de souligner l'absence du public, qui a trouvé dans le cinéma (cinéma occidental) un très bon substitut. Nous trouvons donc tout à fait normal que, dans la situation où il se trouve (divorce avec le vrai public), le théâtre algérien connaisse une crise grave. Elle peut être bénéfique dans la mesure où responsables et artistes opèrent pour un changement radical et s'appliquent pour aller dans le sens de la demande. Au contact de son véritable public qui l'irriguera, le théâtre algérien retrouvera sa vitalité et occupera une place de choix sur les scènes internationales. Il faut juste que les responsables bougent et oeuvrent dans ce sens, sinon le théâtre connaîtra le même sort que le cinéma, qui agonise. A quand une vraie politique pour l'art en Algérie?