En 1999, nous avons dénoncé le pouvoir de ceux qui nous ont imposé un président par la fraude. Ils ne se réveillent qu'à la veille de l'élection présidentielle et ils s'éclipsent pendant le reste du temps! Leur seul programme est de s'attaquer à l'homme au pouvoir sans proposer un programme ou des idées de changement! Ils ont tous été au service du même système qu'ils n'attaquent pas dans le fond ! Ils n'ont pas d'assise populaire ni de base électorale ! Ils ne posent pas les vrais problèmes de l'Algérie! Ils n'ont rien fait quand ils étaient au pouvoir! Ils se disent démocrates et demandent à l'armée d'enlever le président! Ils ne veulent pas entrer dans la course électorale et affronter le verdict des urnes! Voilà, en gros, ce que certains journalistes écrivent régulièrement ces derniers temps dans certains journaux au sujet des personnalités politiques qui osent dénoncer la fraude annoncée et certaine de la prochaine élection présidentielle. Sans jeter la pierre à tous les journalistes qui tiennent de tels propos car pour certains et certaines, la cause est entendue, quand on examine leurs parcours professionnels et leurs allégeances passées et présentes et quand on sait que leurs interventions écrites n'ont rien de journalistique et relèvent plutôt de la commande rémunérée, j'essaierai, du moins, en ce qui me concerne, d'apporter les réponses à ces affirmations que je trouve au mieux infondées ou erronées et au pire fallacieuses. Par là même, je crois répondre au souhait sincère de beaucoup d'élever le niveau du débat et c'est la motivation principale de mon article. Cette réponse sera plus utile intellectuellement sous forme de questions que j'adresserai à ces mêmes journalistes, en espérant que la logique présidât à leur analyse des réponses appropriées. Comment un opposant peut-il faire entendre sa voix dans un pays où l'accès aux médias audiovisuels est interdit et où l'accès à la presse écrite indépendante dépend pour beaucoup de titres, de l'orientation idéologique ou financière des éditeurs de cette presse et de leur sympathie ou non pour cet opposant? Comment un opposant pourrait-il activer en Algérie, lorsque la création d'un parti politique ne se fait plus en conformité avec la loi, mais selon l'humeur et le bon vouloir du ministre de l'Intérieur en violation flagrante de la Constitution et des lois? En 1999, tous les candidats à la présidentielle avaient un programme, écrit et distribué; combien de journalistes se sont intéressés à ces programmes ou les ont développés et critiqués pour leurs lecteurs? En 1999, Bouteflika n'était pas président et les «six», s'étaient attaqués au pouvoir qui organisait la fraude ; ce pouvoir, ce n'était pas un homme ; les journalistes l'avaient-ils souligné? La quasi-majorité des gens qui font, non seulement, la paysage politique mais aussi, médiatique furent à un moment de leur vie au service du système que ce soit comme cadre dans un ministère ou journaliste à El Moudjahid ou Chaâb ou l'APS; ce passage obligé dans un pays où le seul employeur était l'Etat les disqualifient-ils pour exercer leur droit à l'expression? Comment un opposant qui ne peut pas communiquer ses idées parce qu'on lui interdit les médias, la création d'un parti, l'organisation de rassemblements ou de marches peut-il mobiliser un électorat ou faire connaître son assise populaire? Quels sont les instituts de sondage indépendants et crédibles qui peuvent nous informer aujourd'hui sur la popularité de tel ou tel? Occulte-t-on les vrais problèmes de l'Algérie lorsqu'on dénonce justement l'empêchement de les poser et de les résoudre que constituent un président et un gouvernement imposés par la fraude? Comment juge-t-on le bilan d'un homme qui avait une partie du pouvoir si on ne le juge à l'aune et dans les conditions d'exercice de ce pouvoir? Et qui doit le juger? En 1999, nous avons dénoncé le pouvoir de ceux qui nous ont imposé un président par la fraude; aujourd'hui est-il antidémocratique de demander à ce même pouvoir d'empêcher une nouvelle fraude? Les journalistes n'ont-ils pas remarqué que l'interlocuteur d'hier, est le même aujourd'hui? Comment peut-on entrer dans la course électorale lorsque la loi exige 75.000 signatures de citoyens et que le ministre de l'Intérieur exige que les 75.000 signataires viennent en personne avec leurs papiers d'identité, leurs cartes électorales et même leur facture Sonelgaz, défiler devant un nombre insuffisant de maires pour se faire ficher par les renseignements généraux et se faire menacer de représailles? Ne parlons pas des élus menacés et passibles de prison et des notaires et huissiers sermonnés par des walis zélés de ne point aider les opposants à Bouteflika? Qui a peur du verdict des urnes? Qui craint des face-à-face télévisés? Qui veut éviter des concurrents crédibles? Qui utilise les moyens de l'Etat pour violer la loi en faisant une campagne électorale royale avant l'heure? D'autres questions pourraient servir à alimenter le débat, mais elles ne sont pas très enrichissantes intellectuellement comme par exemple: - Quels sont les journalistes qui se sont étonnés en 1999 qu'un candidat puisse se présenter contre le candidat des généraux et lui ont conseillé de ne point le faire? - Quels sont les candidats qui se sont fait huer et jeter des pierres en 1999, etc. L'Algérie a de graves problèmes politiques, économiques, sociaux et sécuritaires. Elle a aujourd'hui un problème plus grave qui empêche tout début de solution aux premiers; ce problème est la passation de consignes entre un pouvoir de fait et un pouvoir indu aux dépens de l'Algérie, de la démocratie, de la presse indépendante et de tous ceux qui aspirent à être de véritables hommes politiques, c'est-à-dire des hommes qui trouvent des solutions aux problèmes de la cité. Hier, contre le terrorisme, aujourd'hui contre la dictature, sur le terrain, des journalistes ont lutté pour la démocratie trop souvent au prix de leur vie. Nous étions à leurs côtés en 1994 - 1995. Nous le sommes toujours en 2004. Sans eux, nous n'avons pas de voix ! Nous faisons la différence entre ceux qui écrivent, qu'ils fassent la différence entre les hommes politiques!