En clair il est indéniable que la demande sera de plus en plus faible par rapport à l'offre. L'Algérie a abrité depuis quelques jours une réunion extraordinaire de l'Opep consacrée à la situation du marché international. Les faits : la situation de l‘offre excède la demande de près de 2 millions de barils /jour. Nous sommes à la sortie de l'hiver et la stagnation de l'économie européenne ne permet pas de présager une croissance dans l'immédiat. S'agissant du moteur de l'économie mondiale, l'économie américaine, des indices montrent qu'elle ne sera pas demandeuse outre mesure de pétrole. La grande inconnue reste la Chine et les optimistes pensent que sa consommation sera de plus en plus importante. En clair il est indéniable que la demande sera de plus en plus faible par rapport à l'offre. Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour comprendre qu'il faut aller vers une réduction des quotas, d'autant que les gros producteurs hors Opep (Russie, Mexique, Norvège) font ce qu'ils veulent et ne se sentent concernés par la politique de l'Opep que dans la mesure où on ne leur demande pas de réduire leurs capacités de production. Il est donc utopique de penser à une stabilisation des prix dans cette fameuse fourchette de 22-28 $, tirée actuellement vers le haut par la spéculation et non, contrairement à ce qui est dit, par «la discipline de l'Opep». D'autant plus que le pouvoir d'achat se détériore continuellement. Que valent les 29 dollars actuels en dollars constants? Nicolas Sarkis directeur de Centre d'études pétrolières à Paris a été l'un des premiers à évaluer ce fossé entre le dollar constant et le dollar courant concernant le prix du pétrole. Il est fort probable que les 29 dollars actuels ne représentent que 120 dollars d'il y a 25 ans, époque à laquelle le pétrole était à 15 dollars? Le deuxième paramètre et non des moindres est celui des quotas. L'Irak est revenu sur le marché et sa part - entendons par là celle des Etats-Unis par compagnies américaines interposées - sera de plus en plus importante. «L'Irak américanisé» a l'intention de recouvrer rapidement son quota, pris on s'en souvient par l'Arabie Saoudite en 1991 (son quota est passé de 4 à 8 millions de barils/jour). Que vaut alors la supplique algérienne d'augmenter son quota de 500.000 barils/jour pour arriver à une capacité de 1,2 million de barils/jour? Il faut savoir que l'Algérie ne respecte qu'à peine 60% de son quota initial alors que la plupart des pays sont pratiquement à 80 % de leurs capacités, voire à la limite du quota. C'est de cela en fait qu'il faut discuter: comment l'Algérie pourra-telle imposer sa demande? En fait et pour être clair, l'Opep de papa est morte, l'Opep généreuse des années 70 a vécu ; une tentative de souffle nouveau en 2000 venu du Venezuela a fait long feu. Malgré la fougue révolutionnaire et soixanthuitarde de Hugo Chavez, aucune des décisions prises à grand renfort de caméra n'a vu un début d'exécution. L'université de l'Opep est encore une vue de l'esprit. Comment en définitive peut-il en être autrement quand on sait que 70 % du pétrole Opep est sous contrôle direct ou indirect des Etats-Unis (Il s'agit des pétroles des pays du Golfe et celui de l'Irak). On dit souvent que les Etats-Unis sont le 12e membre de l'Opep et aussi le plus influent. Il aurait peut-être fallu inviter les Etats-Unis et leur demander leur avis, à moins que les instructions aient été données aux ténors du Golfe et à l'Irak pour calmer le jeu. N'oublions pas que nous sommes à quelques mois des élections américaines et le président Bush ne veut sûrement se mettre à dos ses producteurs marginaux et ses alliés naturels que sont les multinationales du pétrole. La décision de l'Opep de réduire sa production aurait plus de portée si le «hors Opep» y adhère. Il est à craindre en cas de désaccord que ce hors Opep en profite pour prendre ces 2 millions de barils, faisant perdre ainsi à l'Opep sa part de marché et déstabilisant ainsi dangereusement l'équilibre offre-demande à la sortie de l'hiver.