Le plan de séparation du chef du gouvernement israélien s'annonce comme une énorme supercherie. Parallèlement à ses agressions continues contre la population palestinienne - hier une mère palestinienne a été tuée dans son appartement par l'armée israélienne lors d'une incursion à Jénine - Israël fait tout un tapage autour du plan de «séparation» de Sharon qui s'annonce surtout comme une énorme supercherie. Cela fait des mois que le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, met en avant un plan dont personne, à part sans doute l'administration Bush dont il recherche l'appui, ne sait exactement en quoi consiste cet énième projet concocté pour les Palestiniens, alors qu'il était plus simple d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité de 1967 et de 1973. Mais ce qui est naturel et allait sans dire est sans doute un concept par trop abscons pour des Israéliens passés maîtres dans l'art de l'esquive et de la fuite en avant. Cela dans la seule optique d'imposer leur «paix» aux Palestiniens, et de modeler le futur Etat palestinien à leur mesure. En d'autres termes, Israël veut garder la haute main sur les territoires palestiniens y compris après une éventuelle érection d'un Etat indépendant comme le préconise la «feuille de route» dont on se demande si elle est encore opérationnelle après les multiples coups de poignard que lui a assénés le Premier ministre israélien dont le plan de séparation et la construction du «mur de l'apartheid» en Cisjordanie n'en sont que les avatars les plus visibles. Toutefois, les Israéliens - y compris et surtout dans les rangs de son propre parti le Likoud - qui ne veulent rien lâcher ne comprennent pas la démarche de Sharon, lequel, selon ses adversaires, court à «l'aventure» en voulant «céder» Gaza. En réalité, tortueux comme il est, le chef du Likoud n'a aucune intention de se retirer au bénéfice des Palestiniens, dont la seule autorité représentative demeure l'autorité autonome du président Arafat - prisonnier de fait de Sharon depuis bientôt trois ans, M.Arafat étant confiné dans la Mouqataâ assiégée de Ramallah - mais tente de revenir à une situation prévalant avant la guerre de juin 1967, à l'époque où l'Egypte administrait Gaza. Cependant, Le Caire, qui milite pour l'instauration d'un Etat indépendant palestinien, a d'ores et déjà exclu tout rôle, de quelque nature qu'il soit, à Gaza si jamais Israël venait à s'en dégager. En fait, la mauvaise foi et les calculs de Sharon apparaissent dans le refus catégorique qu'il a opposé à la suggestion faite, séparément, par les chefs de la diplomatie française, Dominique de Villepin, et britannique, Jack Straw, qui préconisaient la mise sur pied d'une force internationale à Gaza qui prendrait ainsi la relève de l'armée israélienne une fois que celle-ci se serait retirée. En fait, il y a toujours cette disposition des dirigeants israéliens à ne pas admettre la formalisation d'une frontière officielle entre Israël et les territoires palestiniens occupés. Pourtant, un tel cas de figure permettrait une intervention internationale plus efficace. Or, quoique reconnaissant la ligne verte (issue de l'armistice de 1949), en tant que frontière entre le territoire arabe et l'Etat hébreu, la communauté internationale ne semble pas pouvoir agir dans les territoires palestiniens occupés sans qu'elle y soit invitée par l'occupant israélien. De fait, les différents veto apposés par les Etats-Unis à la présence dans les territoires palestiniens d'une force d'interposition internationale, conforte le refus d'Israël d'une solution équitable garantissant la sécurité de l'Etat hébreu et pour les Palestiniens le droit d'édifier un Etat indépendant viable. En fait, la seule question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir si Israël veut réellement la paix, en continuant à s'opposer à toute initiative qui ne soit pas estampillée du sceau de l'Etat hébreu, comme le montre bien l'échec de l'accord d'Oslo, rendu caduc unilatéralement par les gouvernements israéliens depuis celui de Netanyahu qui rejeta ce processus de paix en 1995, deux ans après sa signature à Washington en septembre 1993, et la stagnation du plan de paix international sous l'égide du quartette constitué de l'ONU, l'Union européenne, la Russie et les Etats-Unis. En fait, la construction du mur en Cisjordanie et le plan de séparation de Sharon ont enlevé toute portée au plan dit de la «feuille de route». Malgré tout, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, en tournée européenne, garde l'espoir de voir la feuille de route se concrétiser d'ici 2005, précisant à Oslo, où il se trouvait hier - après une escale à Londres où il rencontra son homologue britannique Tony Blair - «Si vous me demandez si nous voulons avoir en 2005 un accord (de paix) permanent et un Etat, je dirais oui, nous le voulons. Est-ce possible? Oui, je pense que c'est possible si les Israéliens entament des négociations très sérieuses». Mais M.Qorei souligna néanmoins que «s'ils continuent de confisquer les territoires palestiniens en construisant le mur et, je n'ai pas à le dire, à piller les territoires palestiniens (...), les Israéliens vont tuer la solution des deux Etats». Sharon n'a-t-il pas déjà ruiné cette vision de deux Etats en mettant en avant son plan de séparation à Gaza, et en initiant la construction du mur avec, en vue, l'annexion de larges portions du territoire de la Cisjordanie? C'est bien cela le marché de dupes que compte proposer Sharon aux Palestiniens.