Les talk-shows des candidats à la présidentielle préfèrent encore user des thèmes généraux. Le quatrième jour de la campagne électorale s'est poursuivi avec une même vitesse que celle du départ. Nous ne sommes pas encore arrivés aux «coups de gueule» ni aux révélations fracassantes. Chacun des six candidats essaye de mettre en valeur ses propres options, tout en portant le discrédit - le plus discrètement possible - sur les autres. Pour quelques années de plus Le président-candidat Abdelaziz Bouteflika qui était, hier, à Ghardaïa, chez les M'zabs, maintient le cap sur la réconciliation nationale, axe central de sa politique depuis cinq ans. Comme tout roi qui se respecte il donne de l'importance aux thèmes rassembleurs: «L'avenir de l'Algérie réside dans la réconciliation nationale (...) et aujourd'hui, plus que jamais, il faut aller de la concorde civile à la réconciliation nationale». Comprendre immédiatement ce qui suit : chaque étape équivaut à un mandat, et pour passer à l'étape suivante, la «moussalaha ouataniya», il faut payer cash : un second mandat. Le koursi...sous l'oreille Puisque le thème du président-candidat est inattaquable, on peut copier sans avoir l'air. C'est ce qu'a fait, hier, à Laghouat, Abdallah Djaballah, leader du parti islamiste du MRN : «La priorité des priorités, a-t-il martelé, sera de concrétiser une véritable réconciliation nationale». Sous-entendu, celle de Bouteflika n'est qu'un trompe-l'oeil et un faux-fuyant destiné à la consommation du grand public. Dans une ville qui avait versé totalement dans le terrorisme dès 1993, il précise, jouant sur les sensibilités religieuses, que «sa» réconciliation à lui tend à «préserver la religion et la langue, à sauvegarder l'histoire et à promouvoir la démocratie». Là aussi, il s'agit d'un «plagiat présidentiel» porteur. Mais, en période de disette, on «travaille» avec ce qu'on trouve sous... l'oreille. Benflis en embuscade... militaire Le tonitruant Ali Benflis continue à narguer le président-candidat. Hier, à partir de Oum El-Bouaghi, il a porté deux coups d'estocade au clan présidentiel. D'abord, en déclarant qu'un ministre algérien aurait téléphoné à son homologue tunisien pour lui dire, après les événements de Sfax, «Ghezzitoulhoum». Ensuite, en mettant face à face Lamari et Bouteflika: «N'ayez crainte, dira-t-il, à l'endroit de son auditoire, allez votez pour le changement: l'armée a lâché le président.» En fait, il n'y a pas que Benflis qui encense l'armée pour mieux discréditer le président. Pratiquement, tous les autres candidats font quotidiennement l'éloge des militaires, et ce, qui devait être une idylle entre l'armée et un candidat, commence à ressembler à une étrange partie de... partouze. Et Dieu créa Louisa «Louisa: Louisa ! zeouijina! zeouijina!» C'est avec ces cris, drôles et pathétiques à la fois, que les jeunes ont accompagné le discours de Louisa Hanoune, hier, à Bouira. La pasionaria de la politique algérienne parlait des risques et des dangers qui guettaient l'Algérie, de la précarité et du chômage, du problème du logement et celui du travail lorsqu'elle fut littéralement étouffée par les «Louisa, zeouijina» («Louisa, mariez-nous!», Ndlr). Eberluée un moment, elle se reprit: «Bien sûr, c'est votre droit, et chaque Algérien a droit à un logement et à une vie respectable». Finalement elle s'en est sortie indemne, mieux : avec les éloges dans son périple en région kabyle. Comme quoi, on peut encore convaincre avec des mots simples. Les mots simples, c'est ce qui manque à Fawzi Rebaïne, la nouvelle figure de la politique algérienne. Mais, hier, à Telagh, dans la région de Sidi Bel-Abbès, il a été bien inspiré. En deux mouvements, il se plaça comme le champion d'un nationalisme à redécouvrir, en s'attaquant à, d'un côté, au général Aussarès, et à Chirac, qui vient de le réhabiliter, et, d'un autre côté, aux autorités algériennes et à leur tête Bouteflika et Belkhadem, qui n'ont pas réagi à ce qu'il qualifie d'«insulte à la mémoire des moudjahidine». Comme le meeting se déroulait à Telagh «une ville qui ferme ses routes» à la circulation dès 19h, il n'omit pas de tourner en dérision le «constat d'embellie sécuritaire» que les responsables du pays soutiennent sans sourciller... le thème-phare de Rebaïne, «les harkis sont de retour», pour une fois est laissé en liste d'attente. Saïd Sadi et le vendredi saint Saïd Sadi était à l'est du pays, pour échapper à sa vocation de politicien de la Kabylie. A Tébessa, Khenchela et Batna, il a fait savoir qu'il optera pour une ouverture démocratique à tous les niveaux, avec une précision à l'appui : son respect pour la religion. D'ailleurs, même s'il opte «pour le week-end universel», il essayera de trouver un temps pour les travailleurs, qui leur permettra d'accomplir la «prière du vendredi». Petits pas et grandes manoeuvres de la part de ces vendeurs de mots, dont le marketing politique, même s'il n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, permet aux gens... de rêver pendant quinze jours encore.