L'assassinat de cheikh Yassine revendiqué hier par Sharon met en lumière le peu de prix qu'attache Israël à une paix négociée. Erigé en méthode politique par Israël, l'assassinat ciblé vient de faire une nouvelle victime en la personne du Cheikh Ahmed Yassine, leader spirituel du Mouvement de la résistance islamique (Hamas, fondamentaliste) tué hier par un missile tiré à partir d'un hélicoptère lors d'un nouveau raid contre Ghaza. Une nouvelle mort qui vient allonger la longue liste des victimes de l'intolérance d'Israël. En fait, Sharon qui a planifié et ordonné cette «exécution» du leader islamiste, vient en réalité de créer un martyr. En vérité, loin de contribuer à mener les Palestiniens à résipiscence, cet assassinat va a contrario aggraver la césure entre les deux communautés arabe et juive et galvaniser les militants de la cause palestinienne qui désormais iront au combat au nom du martyr Ahmed Yassine. Que vont gagner les Israéliens dans cette escalade délibérée de la violence? En fait il y aura d'autres attentats kamikazes, d'autres souffrances pour les civils palestiniens et israéliens, principales victimes de cette guerre qui ne dit pas son nom. De fait, la réaction palestinienne ne s'est pas faite attendre et Aziz Al-Rantissi, l'un des chefs politiques du mouvement Hamas, lui-même plusieurs fois victime de tentatives d'assassinat par l'armée israélienne, a déclaré hier que «la guerre est désormais ouverte avec ces assassins, ces criminels et ces terroristes». Pour leur part, les Brigades Ezzedine Al-Qassem, branche militaire de Hamas, ont indiqué dans un communiqué aux agences de presse que «celui qui a pris la décision d'assassiner cheikh Yassine a en fait décidé de tuer des centaines de sionistes», soulignant que «la réaction palestinienne à cet acte lâche sera un tremblement de terre (...)». Ne tenant manifestement pas compte du fait que la force n'a jamais réglé un problème politique, que la puissance militaire israélienne n'a rien résolu, pour ne considérer que la dernière décennie -depuis l'interruption du processus de l'accord d'Oslo par le gouvernement israélien en 1995 - Israël poursuit son objectif d'élimination des personnalités politiques et militaires palestiniennes. C'est ainsi que, ne tirant aucune leçon du passé, le porte-parole du gouvernement israélien, Avi Pazner a déclaré hier: «Cheikh Yassine était le plus dangereux chef terroriste et je suis convaincu qu'à long terme son élimination servira la cause de la stabilité et de la paix dans la région». Quelle paix, celle des cimetières? Sans doute, si l'on note que le contentieux israélo-palestinien dure depuis 1948. Et ce n'est certes pas l'assassinat de Ahmed Yassine qui va changer quoi que ce soit à la donne du dossier de l'occupation des territoires palestiniens par Israël. Aussi, le gouvernement israélien s'illusionne, s'il pense qu'une telle action condamnable en soi, et condamnable par le droit international, soit de nature à permettre le retour de la sécurité et la reprise du processus de paix qu'Israël a saboté de toutes les manières, car tenant à imposer sa solution et sa «paix» aux territoires palestiniens. Aussi, à terme, l'assassinat de cheikh Yassine se traduira par une nouvelle escalade de la violence, de nouveaux morts, de nouveaux obstacles sur le chemin de la paix. Et la responsabilité de la communauté internationale est totalement engagée dans ce qui se passe présentement dans les territoires palestiniens où Israël semble avoir carte blanche pour tuer sans autre forme de procès les Palestiniens. En fait, si Israël avait cherché à mettre la région à feu et à sang, il n'aurait pas agi autrement. D'ailleurs, réagissant hier à l'assassinat du vieux cheikh palestinien, cheikh Mohamed Sayyed Tantaoui, imam d'Al Azhar a indiqué, hier, que «les auteurs de cette agression criminelle doivent être châtiés», appelant «le monde arabe et musulman à châtier les criminels». En fait, en pratiquant le terrorisme d'Etat, dans toute son horreur, comme le sont les assassinats ciblés - certain de son impunité - Israël pousse en réalité les Arabes en général, les Palestiniens en particulier, à l'irréparable lui donnant de dire : «Voyez, il est impossible de cohabiter avec les Arabes». Alors ils liquident physiquement les Palestiniens, espérant un second exil, comme celui de 1948 lorsque, pour échapper aux massacres des groupes terroristes sionistes dont l'Irgoun, de sinistre réputation, de l'actuel chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, des centaines de milliers de Palestiniens quittèrent leur terre natale. Terroriste dans l'âme, Sharon vient encore de commettre hier le plus abject des crimes et s'en félicite dans une déclaration à la presse, congratulant l'armée israélienne pour son action «héroïque» criminelle à Ghaza contre un homme paralysé, cheikh Yassine. Un assassinat froidement exécuté avec sans doute l'accord tacite de Washington que, notent les observateurs, aura été le seul à ne pas condamner une action unanimement mise à l'index par la communauté internationale. Au moment où l'Europe d'une seule voix condamnait cet assassinat, qui ne peut répondre à aucun objectif sécuritaire, le département d'Etat américain, dans un communiqué appelle «(...) toutes les parties à rester calme et à faire preuve de retenue». Une approbation en filigrane, aux crimes d'Israël, qui laisse la porte ouverte à tous les dépassements.