En Syrie, c'est incontestablement un complot diabolique pour la division de ce pays «Je ne m'étonne jamais de voir des hommes mauvais, mais je m'étonne souvent de ne les point voir honteux» Henri Lacordaire Tout cela après plus de quatorze siècles de pratique, où l'on sent qu'il n'y a aucune évolution dans le sens qui lui est donné par les grandes valeurs de l'Islam. Nos prosélytes enturbannés et engoncés dans leur «borda», ne savent pas que parler de l'Islam, de la foi et du principe de l'unicité, c'est aborder directement le progrès, l'élévation, l'émancipation et détruire du même coup ce prétexte fallacieux qui soutient que la religion est un frein à toute évolution. Malheureusement, ces mêmes responsables du culte ne sont pas aptes à développer ces hautes valeurs de l'Islam qui sont interprétées par de grands philosophes, à l'image de Roger Garaudy déjà cité, qui affirmait: «C'est par leur foi que les musulmans ont apporté la plus riche contribution à la science universelle.» Oui, par leur foi et leur tolérance et non pas par leur exaltation et disons le mot, par leur fanatisme, à l'image du «gourou» cheikh Youcef El Qaradhaoui, président de l'Union internationale des savants musulmans (Ouléma), qui lance des campagnes hystériques contre la Syrie et ses alliés, à travers des «fetwas» incitant à la haine et à la violence, au moment où le pape François appelle à la paix. Ce dernier, en homme sage, réunit le samedi 7 septembre 2013, place Saint-Pierre au Vatican, 70.000 fidèles pour une veillée de prière dans laquelle il affirme qu'il ne veut pas d'une intervention militaire en Syrie. Le souverain pontife a lancé un appel à «travailler pour la paix et la réconciliation» et à mettre fin à la guerre «toujours une défaite de l'humanité». Aucune comparaison, bien sûr, entre ces deux monothéistes! Et à partir de ces clichés funestes que symbolise un homme du culte musulman, et plusieurs autres certainement - qui nourrissent le terreau déjà fertile de l'anti-arabisme -, tous les peuples de la communauté musulmane sont traités de la même façon, partout, chez les Occidentaux. N'en démontre que cette affirmation: «Le visage de l'ennemi ́ ́post-11 septembre ́ ́ se révèle peu à peu. Derrière l'Irakien se profile une certaine image de ces pays ́ ́comme ceux du Moyen-Orient» qui, dans un contexte troublé, ne sont pas forcément à même d'accorder à la vie humaine toute la valeur qu'une nation démocratique telle que la nôtre, lui confère tout naturellement.» Une sérieuse révolution s'impose... Mais, que faut-il faire pour y remédier? Des corrections partout, dans le cadre de sérieuses réformes, pour nous aligner sur les pays développés et revenir à notre crédibilité d'antan, à notre remarquable ambiance de travail et de production, quand nous contribuions à l'évolution du monde. «Qu'on se souvienne qu'à la période de la grandeur de l'Islam, entre le VIIe et le XIIe siècle de l'ère chrétienne, alors que les restrictions au développement scientifique étaient imposées en nos pays chrétiens, une somme considérable de recherches et de découvertes fut effectuée dans les universités islamiques... c'est pourquoi, on allait de divers pays d'Europe étudier à Cordoue, comme de nos jours on va parfaire certaines études aux Etats-Unis», écrivait Maurice Bucaille. Des positions claires doivent nous mobiliser pour aller dans la même direction qu'emprunte l'Occident, dans son développement et son unité, pas celle de sa coalition pour nous contrecarrer, nous offenser, ou nous punir, c'est selon. Nous avons de quoi nous imposer, vraiment, avec un peu d'audace avec les autres, et d'honnêteté avec nous-mêmes, c'est-à-dire les masses arabes, qui sont sensibles à tout changement, pourvu qu'il soit honnête et sincère et porteur d'essor et de progrès. Cependant, cela ne pourrait être selon nos espoirs et déboucher sur du concret que lorsque nos gouvernants comprennent qu'il est temps de changer radicalement partout. Et le «partout» ici, veut dire une sérieuse révolution dans le fond et la forme et non pas ces soubresauts qui nous ont été concoctés quelque part pour en faire de nos pays des champs d'expérimentation ou, tout simplement, pour détourner notre attention de l'essentiel et instaurer chez nous des dissensions qui n'engendrent que des effets néfastes à court et à long terme. Ce qui se passe actuellement en Syrie, est incontestablement un complot diabolique pour la division de ce pays, traduisant une tragique politique occidentale, pratiquée sans honte et sans vergogne, sous couvert de toutes les duplicités, de toutes les lâchetés et de toutes les contorsions aux lois et conventions internationales, pour reprendre l'idée de notre ami le prêtre Elias Zahlaoui, dans une lettre au président Hollande. Cela a été imposé à ce pays certes, mais il faut reconnaître que le climat était favorable pour une explosion, comme dans tous les pays arabes que des régimes autocratiques ceinturent et ne laissent à la jeunesse, ce potentiel de création et de changement, aucune alternative pour créer sa propre dynamique de mutation vers plus d'ouverture, donc de liberté et de démocratie. Alors si demain, des changements décisifs auront lieu, et laisseront de vrais Hommes - en majuscule - parce qu'honnêtes, compétents et audacieux, diriger nos pays, les «bicots» que nous sommes pourront prétendre à cette satisfaction d'entendre d'un Laurent Fabius, par exemple, ou d'un Bernard Kouchner, ce discours responsable et non moins élogieux concernant nos gouvernants, dans le style de Voltaire qui qualifiait le commandeur des croyants Haroun Er-Rashid, pour ce qui est de son intérêt dans la transmission des sciences au Moyen-Age. Haroun Er-Rashid, disait-il «contemporain de Charlemagne, plus respecté que ses prédécesseurs, et qui sut se faire obéir jusqu'en Espagne et aux Indes, ranima les sciences, fit fleurir les arts agréables et utiles, attira les gens de lettres, composa des vers, et fit succéder dans ses vastes Etats la politesse à la barbarie. Sous lui les Arabes, qui adoptaient déjà les chiffres indiens, les apportèrent en Europe. Nous ne connûmes, en Allemagne et en France, le cours des astres que par le moyen de ces mêmes Arabes. Le mot seul d'Almanach en est encore un témoignage». Que c'est réconfortant d'entendre pareille déclaration! Sur ce chapitre également, si le Monde arabe décidera, une fois pour toutes, de se refaire une santé, de revenir à son lustre d'antan, par des gestions et des comportements dignes de «la meilleure communauté qui ait surgi parmi les hommes», nous n'aurons plus à souffrir de frustrations, ni même de racisme de la part de «superpuissances», parce que nous reprendrons notre rang, nous serons consultés et écoutés, à l'abri des remises en cause que peuvent générer les incompréhensions et les promiscuités gênantes. Nous n'aurons plus, par exemple, à sortir en des manifestations contre ce que nous appelons les «Grands», dans plusieurs capitales arabes pour manifester, impuissants, «l'expression du profond malaise de millions de musulmans, de dizaines d'années d'asservissement et de frustrations, de récents espoirs déçus qui viennent aujourd'hui nourrir un anti-américanisme profond». En effet, nous n'aurons plus cette déception qui nous vient de l'opposition acharnée à la reconnaissance d'un Etat palestinien à l'ONU, au même moment où la colonisation se poursuit dans ce pays frère..., parce que nous serons maîtres de nos décisions, et aurons toute la latitude de prendre notre responsabilité, pleine et entière, à l'égard de ce conflit. Dans cette position de force, qui sera la nôtre et fera de nous des gens crédibles, respectés car responsables en tout point de vue, il n'y aurait plus cette crainte des «uns», ceux qui doivent renoncer à leurs prétentions à gendarmer la planète, et des «autres», ceux qui doivent admettre qu'ils n'auront plus les moyens de leurs rêves de grandeur. Alors, nous n'entendrons plus les sarcasmes de ces chefs prétentieux qui, - selon un article, intitulé La Fabrication de l'ennemi - au-delà de leurs fantasmes sur le «terrorisme nucléaire», leurs discours imprégnés d'un racisme à peine dissimulé, «visent surtout à nourrir l'illusion, entretenue savamment depuis Hiroshima et Nagasaki, comme quoi posséder des armes nucléaires n'est pas un danger en soi; tout dépendrait de la nature, la nationalité, éventuellement la religion ou la couleur du détenteur». Enfin, que faut-il faire pour remédier à toutes ces formes de pression et d'avilissement, et restituer au Monde arabe ses valeurs et sa gloire du passé? Il faut à notre humble avis, et en priorité, réfléchir à ne plus se disperser mais, au contraire, à se reconstituer sur son propre territoire. Cela étant une des actions les plus essentielles, dans ce climat de défis et de confrontations que vit la planète, en ce début du XXIe siècle. Ensuite, il y a, et ce n'est pas de moindre importance, loin s'en faut, car c'est à partir de là que commence le véritable travail d'équilibre et de sérieux d'une nation, ce pas que doivent franchir tous les dirigeants arabes, à partir de décisions courageuses, pour le devenir de leurs peuples et l'avenir de leurs pays. Ils doivent comprendre qu'ils sont dépassés par le temps et les événements..., ils doivent comprendre surtout qu'une génération pousse l'autre. De plus, les concernant, il faut qu'il soient convaincus qu'il ne leur reste que ce «geste auguste», celui des «Grands» dans le vrai sens du terme, en laissant la place aux jeunes surtout, plus compétents et plus crédibles, que le choix des urnes aura à promouvoir à partir d'une opération démocratique sérieuse, propre et honnête, pas comme les «mascarades» qu'ont connues et connaissent, jusque- là, tous les pays arabes. La révolution de demain Dans cette même lancée, les élites de nos pays doivent entreprendre et diriger - et c'est nécessairement leur rôle principal - de sérieuses «révolutions internes», de caractère national, non pas celles qui font sortir les jeunes dans la rue et qui occupent les places publiques. Elles doivent aller vers ces révolutions qui s'appliquent d'une manière civilisée à travers des programmes de refondations concrets, rationnels, intelligents et qui privilégient le bon choix au niveau des cadres, la reconnaissance de l'autre dans ce qu'il a de meilleur et le souhait de voir le meilleur en l'autre. N'est-ce pas que la reconnaissance de véritables compétences - ce qui a fait défaut dans le choix à travers le Monde arabe - «est l'ornement du bienfait», comme le recommandait Abù Bakr Es Siddiq? Ainsi, la révolution ne doit pas nous faire peur, quand elle est bien comprise, quand nous savons que n'allons pas la mener dans un cadre insurrectionnel, en une révolte généralisée, suivie malheureusement de casse, de sang et de pleurs, mais à travers un changement radical dans les moeurs, dans la façon de gérer, dans la manière de voir les choses sur les plans, politique, économique, social et culturel... Parce que la révolution de demain, celle qui sera encadrée par ces élites arabes, doit nécessairement viser, comme premier objectif, la création d'une dynamique interne et la structuration de la société qui pourra exprimer cette forte volonté de se libérer des carcans que représentent encore certaines dictatures mises en place avec le soutien des pays occidentaux. De ce fait, les peuples ne seront plus infantilisés, dominés par des politiques surannées, comme auparavant où le slogan, qui faisait peur: «Tous ceux qui ne sont pas pour nous sont contre nous», doit être banni pour laisser libre cours à la réussite qui réside dans la mise au point de stratégies conformes aux véritables règles qui régissent la démocratie. Révolu, doit-être ce temps où nos dirigeants nous clamaient, à tue-tête, «nous sommes la révolution, la justice, la nation, l'administration, la Constitution..., et vous, eh bien vous êtes le ́ ́ghachi ́ ́ qui doit prendre ce que nous lui offrons...», comme s'exprimait un internaute dans «Libre débat» Notre mot de la fin concernant cette révolution au niveau du Monde arabe - qui doit être dans les esprits avant même de se concrétiser dans les faits -, est qu'elle doit être menée sérieusement, en tenant compte de la nécessité d'une planification, de la préparation soigneuse et attentive qui nécessite du bon sens, de l'expérience et du réalisme, du travail sérieux, de l'engagement, de la discipline, souvent au prix de tant de sacrifices, et de la vigilance. Tous ces ingrédients sont une nécessité pour la réussite. Quant aux résultats..., comme disait l'économiste Emile Tubiana: «L'essentiel est que les peuples puissent s'épanouir et s'accomplir selon leur façon de vivre dans la sécurité et la paix sans être soumis au mode de vie de l'autre.» Ce que nous écrivons là, ne sont que quelques réflexions que nous mettons à l'appréciation des lecteurs. Nous n'avons aucune velléité d'agonir des personnalités et autres hommes politiques du Monde arabe, de même que notre propos ne vient pas pour les condamner ou les abaisser. Dans notre propos, il y a certainement de l'aigreur - nous vous le concédons - mais jamais de la haine car, dans la situation, que nous vivons depuis de longues années et dont nous sommes les principaux responsables, il y a de quoi se permettre de discourir, quelquefois durement, pour enfin essayer de se créer cet espoir de voir un avenir heureux pour nos enfants. Oui, de l'espoir, que nous devons tous avoir, puisque les moyens existent; il suffit de mettre de la volonté dans la meilleure thérapie que nous allons choisir pour corriger notre course vers le progrès. Sinon, eh bien, nous allons, malheureusement, continuer à vivre à la traîne des «autres», comme si on vivait dans un statut de colonisé, où l'atmosphère est déprimée et la sensation de soumission est toujours présente, du fait de ce droit de regard du colonisateur. A ce moment-là, et dans cette condition qui sera la nôtre, à Dieu ne plaise encore une fois, on ne pourra blâmer Laurent Fabius lorsqu'il s'exprimera, une autre fois, impertinemment, à la face du Monde arabe: «Il faut que Béchar dégage!» Car, demain, rien ne l'arrêtera, ainsi que d'autres représentants de puissances colonisatrices, pour perpétuer cette politique de leurs pays qui iront jusqu'à nous exiger - aujourd'hui ils le font sournoisement - des changements de chefs d'Etat et nous imposerons telle ou telle force au pouvoir, selon l'idée d'Ahmed Cheniki, dans une analyse pour le Soir d'Algérie. Ainsi, et toujours dans cette condition, le travail de diabolisation continuera lamentablement, imprégné de mensonges outranciers... Et ainsi, notre mal perdurera tant que le Monde arabe sera incapable de réagir, même face à des situations ubuesques. Alors, tous autant que nous sommes, nous ne pouvons prétendre avoir suivi les enseignements de Dieu qui, clairement, nous instruit: «Dieu ne change rien à l'état d'un peuple avant qu'il ne se change lui - même» (Coran, chapitre 13, verset 11). (*) Auteur et ancien ambassadeur d'Algérie en Syrie