«Transpace», dernière pièce chorégraphique de Robert Seyfried allie danse ethnique au chant pour l'expression naturelle de la vie. Après Béjaïa et Oran, les artistes de la compagnie de danse contemporaine «Danse images théâtre» (DIT) de Robert Seyfried, bouclaient lundi, leur tournée en Algérie à la salle Ibn Khaldoun. Deux pièces chorégraphiques étaient données à voir. D'abord la pièce: «Légèrement déplacé», résultat d'une rencontre en mars dernier de la compagnie DIT avec des danseurs algérois et le ballet de Arts et Culture pour une formation et création aboutissant à ce spectacle a été présentée en première partie de «Transpace», une autre pièce chorégraphique. Si l'une est beaucoup plus basée sur l'abstrait, l'autre par contre est plus théâtralisée, la rendant plus accessible à la compréhension d'un public profane, très peu habitué à ce genre de danse. Musique de suspense qu'accentue le son du violon. «Légèrement déplacé» charrie une certaine lourdeur dans le mouvement. L'on reste imperméable au jeu de scène presque mécanique des six danseurs. Mais disons que l'essentiel pour ces danseurs amateurs est d'avoir vécu leur passion jusqu'au bout. «Transpace donne la possibilité de mettre en jeu le corps avec l'idée d'ouverture sur le monde. C'est plus un rapport de soi à soi, de corps à corps. C'est comme l'art contemporain, c'est la matière qui devient sujet, faisant abstraction de l'intellect. On convoque d'abord l'émotionnel. C'est l'ensemble des tableaux qui donne un sens, de l'émotion. Pas besoin de décrypter...» souligne le chorégraphe Robert Syfred. La jungle comme décor virtuel. Tout est à l'état brut, sauvage, animal. Le fond sonore reproduit les cris des animaux. Girafe, éléphant, singe... les danseurs, ces humains incarnent l'esprit et le corps de ces animaux errant dans la brousse. Ils expriment l'ordre naturel des choses, la vie, le combat, l'amour et la mort. Le cycle naturel de la vie, le coeur de la jungle battant... «Transpace» est un spectacle attrayant car il allie le jeu de la scène au chant et à la musique. Captivant aussi par sa nouvelle palette de mise en scène, «Transpace est une rencontre douce et brutale. Un espoir d'inventer un territoire entre la France et le Burkina Faso, entre Ouagadougou et Grenoble, entre des corps occidentaux et africains pour qu'apparaisse une poésie chamarrée». La culture africaine est transcendée pour donner lieu à des images proches de ce que l'on est, proches de la sensibilité de tout un chacun. Absurdes, gracieuses, sensuelles ou lascives, les scènes se superposent et s'enchaînent dans un geste fluide et rapide. Corps qui s'attirent puis se repoussent, se cherchent, s'entrechoquent, se complètent exprimant le désir, l'envie, la folie, l'appétit à l'état primitif... Tout est amplifié par le rythme tambourinant des percussions africaines. Les hommes sont dictés par la loi de la nature qui règle leurs «pas» de danse. Ils tournent en rond par moment comme un oiseau (un poule) dans une cage, s'affrontent et meurent... «Transpace» renvoie ainsi à la pureté et à l'élévation spirituelle. Pour illustrer cela, l'appel à la prière devait retentir dans la pièce. Il n'en sera pas question car la pièce, sur ordre du directeur de l'établissement Arts et Culture, a été tronquée. Certaines scènes auraient été jugées trop provocantes. Une question se pose: doit-on censurer la création? La création tout comme l'art, n'est-ce pas la liberté?