Dans cette interview, Ali Brahimi, parmi les 24 détenus du printemps noir d'avril 1980, plaide pour l'officialisation de tamazight pour parachever la réconciliation des Amazighs avec leur identité et leur histoire. L'Expression: Pourquoi, à votre avis, tamazight devrait-elle être officialisée? Ali Brahimi: Tout simplement parce que c'est une langue vivante parlée par des millions de locuteurs censés être citoyens de l'Algérie et égaux à tous leurs compatriotes. A fortiori que le tamazight est la langue autochtone, c'est-à-dire selon le dictionnaire «la langue originaire dont les ancêtres ont toujours habité ce pays» qui, soit dit en passant, regroupe l'Afrique du Nord et la plus grande partie du Sahara. Le droit à la reconnaissance et à l'usage pleins et entiers de la langue maternelle est un droit naturel inné consacré par les traités fondamentaux du droit international auxquels l'Algérie a souscrit. Au demeurant, la langue amazighe est le seul vrai fondement qui permet aux peuples nord-africains de dire que l'Afrique du Nord est à eux et qu'ils n'en sont pas des occupants. C'est le vecteur essentiel de l'identité nationale. Il n'est pas aliénable fut-ce par référendum comme le clament et-ou le sous-entendent certains hommes qui ont des prétentions militantes sur le tard. Comme toutes les langues minorées, réprimées, tamazight est menacée de disparition plus qu'à n'importe quel autre temps de son histoire millénaire. Faut-il rappeler que nous sommes en pleine révolution communicationnelle dans une planète devenue un petit village? Même si c'est un grand acquis, le statut de langue nationale est de l'ordre du symbolique. Il ne donne même pas une assise juridique solide à l'enseignement de tamazight minée par son caractère facultatif. Pour preuve, le recul de celui-ci. Seule l'officialisation ouvrira la voie à une vraie politique dotée de moyens financiers et humains pour réhabiliter, promouvoir, planifier, généraliser l'enseignement et l'usage de tamazight dans tous les domaines de la vie. Une langue qui n'est pas le vecteur de l'économie est promise à la disparition. On évoque l'éventualité de son officialisation à l'occasion de la révision constitutionnelle. Qu'en pensez-vous? L'officialisation est bienvenue parce qu'elle parachèvera la réconciliation des Amazighs avec leur identité et leur histoire, tout en accédant à un droit fondamental de millions de citoyens et en rattrapant notre retard sur le Maroc frère. Ceci étant, personne ne sera dupe des raisons fondamentales qui président à la révision constitutionnelle lesquelles relèvent de la survie et de la continuité d'un régime autoritaire qui consacre l'Etat policier contre la démocratie et la prédation et la corruption contre le développement! C'est une vente concomitante et nous sommes de ceux qui appellent les démocrates à s'unir pour empêcher la révision constitutionnelle. Dans tous les cas, si le régime persiste et joue la vente concomitante, celle-ci ne saurait nous faire oublier le combat démocratique pour les libertés, le progrès, l'alternance, la limitation des mandats, l'Etat de droit, la souveraineté populaire, la dignité, les droits de l'homme et les droits sociaux et économiques de notre peuple. Avec tamazight langue officielle ou non, la lutte continue jusqu'à l'émancipation totale du citoyen.