Le roi du Maroc perd son sang-froid. Sa décision de rappeler son ambassadeur en Algérie conforte des vérités qu'il s'était, jusque-là, évertué à cacher. Le prétexte qu'il prend pour justifier sa décision est pour le moins maladroit. C'est le message lu au nom du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à Abuja (Nigeria) par notre ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui demande la mise en place d'un mécanisme de protection, par l'ONU, des droits de l'homme au Sahara occidental qui a irrité Mohammed VI. Pourquoi aurait-il été irrité par une telle demande si le Royaume chérifien n'avait rien à cacher de son respect des droits de l'homme? Ceci d'une part. D'autre part, sa réaction est tellement disproportionnée qu'elle prend la forme d'une rupture alors qu'il y a peu, le Maroc réclamait avec insistance à l'Algérie la réouverture des frontières. Une contradiction flagrante entre le discours officiel et la réalité des intentions du Royaume dans sa relation avec l'Algérie. Une réalité que l'on croyait, jusque-là, n'être l'oeuvre que des dirigeants du parti El Istiqlal qui, malgré tous les accords, persistent à vouloir envahir des territoires algériens. Il apparaît clairement aujourd'hui que l'entente sur ce point est parfaite entre le Palais royal et ce parti. Ce qui creuse davantage le fossé de méfiance entre les deux Etats et qui a été installé depuis la guerre des sables de 1963. Voire plus loin encore dans l'Histoire. L'Algérie, par contre, reste fidèle à ses principes réitérés à diverses occasions et notamment ceux relatifs au respect des droits de l'homme. La demande formulée à Abuja n'a rien de surprenant ou d'inattendu. Comme l'est sa position du règlement du problème sahraoui dans le cadre de l'Organisation des Nations unies. Une légitimité internationale reconnue, plus que jamais, dans tous les conflits qui agitent le monde. Le dernier exemple étant celui de la Syrie. La décision du roi du Maroc ne joue pas en faveur de l'image de son pays dans le concert des nations. Elle prouve que le respect des droits de l'homme n'est pas sa priorité tout en découvrant ses desseins expansionnistes vis-à-vis de ses voisins. Car ne l'oublions pas, le Maroc a également des visées territoriales sur la Mauritanie. Ceci dit, l'Etat algérien ne s'est pas laissé prendre à cette provocation. Tout en rappelant les principes qui ont toujours été les siens, que ce soit en termes de respect de la légalité internationale ou des règles de bon voisinage, il sait que «le retrait de l'ambassadeur marocain est une décision injustifiée qui s'appuie sur des motifs fallacieux». Dès lors, il semble que la décision du roi doit certainement répondre à des considérations de politique intérieure. Le sujet du Sahara occidental a toujours été utilisé au Maroc comme un puissant moyen de mobilisation à des moments précis pour faire diversion. Les graves crises que traversent les pays de la région et dont la contagion se propage, font partie de ces moments-là. L'Algérie n'a pas les mêmes craintes. Elle a fait face seule et a vaincu ce terrorisme qui est aujourd'hui la hantise des pays environnants. Ce qui explique la sérénité qui est la sienne ainsi que son «regret» après l'annonce de la décision marocaine qu'elle qualifie pourtant de «préméditée». Pas de réciprocité donc comme en 1994. Elle maintient son ambassadeur au Maroc en place. Elle se refuse à la surenchère qui remettrait aux calendes grecques l'Union du Maghreb que les peuples attendent depuis longtemps. Des peuples qui restent persuadés qu'un jour, les conditions qui ont rendu possible «la réconciliation franco-allemande» puissent s'offrir à eux. Pour l'heure, ce qu'a, malheureusement, réussi à faire le Maroc, c'est de raviver le sentiment de méfiance entretenu depuis toujours par le Maroc. Mais attention! La sagesse et la retenue algériennes ont des limites. Nous ne sommes plus en 1963!