L'escroc ne reconnaît qu'un seul délit sur les quatre retenus par le parquet... Cela faisait longtemps que le tribunal de Rouiba n'avait connu pareille affluence. Outre les nombreux détenus pour divers sales délits, il y avait aussi et surtout les non-détenus dont les proches voulaient assister aux débats, histoire de voir de près ce farouche avocat de Dar El Beïda connu mieux que le chacal blanc de nos monts (nous n'avons pas de...loup dans notre pays). En effet, Maître Lamouri s'était aventuré à faire tomber trois délits sur les quatre énumérés par Mohammed Rida Boularaoui, le procureur qui n'a jamais ouvert la bouche pour ne rien exprimer. Un beau duel et nous laissons le soin à nos lecteurs (faute de place) de l'imaginer brillamment arbitré par Yassine Ouezaâ, le président en constants progrès surtout lorsqu'il se met de la partie en écoutant toutes les parties du jour, des parties venues pour repartir avec le gain de cause. Aujourd'hui, il s'agit d'un récidiviste qui traîne quatre délits tout en ne reconnaissant qu'un seul! Voilà un escroc spécialiste dans le faux, sa confection, son usage et même dans la récidive. 1,73 m, un ventre hors normes, une tenue vestimentaire qui inspire le respect, Abderrahmane Z., quarante-trois ans, s'avance à pas pesants vers la barre pour répondre aux cent questions de Yassine Ouezaâ, le jovial juge de Rouiba (cour de Boumerdès). Des questions portant sur l'usurpation de fonction, le faux et son usage et en prime, émission de deux chèques sans provision. Trois délits qu'avait consultés avec beaucoup de prudence et de vigilance, son avocat, le terrible maître Benouadah Lamouri. Recherché déjà par la justice qui l'a condamné par défaut en lui collant un mandat d'arrêt, le détenu du jour apprendra au tribunal qu'il avait déjà écopé d'une peine d'emprisonnement ferme purgée dans toute son intégralité. «Je paie toujours mes dettes», avait-il articulé sans sourire, alors que le président relisait un feuillet... Pour les délits du jour, son conseil assure que l'instruction a été plus que bâclée. «Je regrette aussi, Monsieur le président, de souligner ici l'inefficacité des services de sécurité dans ce dossier.» L'avocat demande au juge de ne retenir que le faux «joué» sur le permis de conduire, le temps de régler son problème de dépôt du dossier juteux et confectionné réglementairement.» Le chapelet d'inculpations est en soi désolant. La police a trouvé des documents dans la voiture. Il n'y a pas que de faux documents, on a exagéré le cas pour envoyer Abderrahmane en enfer» a marmonné le défenseur qui a souligné au passage que son client est analphabète et naïf à souhait (Yassine Ouezaâ le juge a envie de ricaner, mais il se retient, réserve oblige!). A sa droite, Mohammed Riad Boularaoui, le représentant du ministère public ne veut même pas se mêler des débats. Il attend le moment favorable. Le conseil a dû révéler au président que les déclarations de Abderrahmane étaient intègres. Il a dit la vérité en répondant que son prénom était Abderrahmane. Il a tu les coordonnées du permis de conduire, le faux, juste pour ne pas être découvert car le mandat d'arrêt qui lui collait aux basques, lui le «coupable idéal» aux yeux des enquêteurs qui n'ont que du temps pour leurs investigations, le considérant comme très dangereux... Ici, il convient de préciser l'attention soutenue du juge qui a fait beaucoup dans la patience car l'avocat a pris beaucoup de temps pour tenter d'amadouer le tribunal surtout que connaissant très bien la valeur de Maître Lamouri, le procureur avait requis un sec et tuant trois années d'emprisonnement ferme après avoir, debout, récité de larges passages de l'article 222 du Code pénal, un article de loi relevant de la section 5. Faux commis dans certains documents administratifs et certificats. Un article qui dispose que «Quiconque contrefait, falsifie ou altère les permis, les certificats, livrets, cartes, bulletins, récépissés, passeports, ordres de mission, feuilles de route, laisser-passer ou autres documents délivrés par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation, est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 1500 à 15.000 DA.» Le coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction de l'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 14 pendant un an au moins et cinq ans au plus. «La tentative est punie comme le délit consommé. Les même peines sont appliquées: 1°/ à celui qui, sciemment, fait usage desdits documents contrefaits, falsifiés ou altérés; 2°/ à celui qui fait usage d'un des documents visés à l'alinéa premier sachant que les mentions qui y figurent sont devenues incomplètes ou inexactes.» La netteté des termes utilisés dans le 222 ne laisse aucune place aux zones d'ombre qui pourraient voiler la vision du magistrat du siège. C'est pourquoi Ouezaâ, malgré son jeune âge, se comporte en «vieux renard méfiant» et décide de mettre en examen le dossier sous huitaine se donnant tout le temps de méditer sur les débats dont la teneur avait été «colorée» par Maître Lamouri toujours à la hauteur de sa terrifiante réputation de défenseur ruant dans les brancards, donc celui qui refuse de tendre son cou à la lame de l'...injustice!