Ces derniers jours, des contacts ont eu lieu entre des dirigeants du parti dissous et des prétendants à la présidentielle. Le communiqué rendu public par six anciens leaders de l'ex-FIS en date du 30 mars passé annonçait la déclaration reçue hier par notre rédaction. Abassi Madani, Mourad D'hina, Abdelkader Boukhamkham, Ali Djeddi, Kamel Guemmazi, Omar Abdelkader et, même Ali Benhadj, ont soulevé un certain nombre de questionnements et de revendications adressés aux six candidats en lice. Le texte rendu public hier rend ainsi compte de «rencontres qui ont eu lieu entre des signataires de cette déclaration et des représentants des six candidats». On apprend ainsi que, à croire le communiqué, «aucun candidat ne s'est résolu par écrit à prendre en charge l'ensemble des revendications initialement soulevées». En revanche, «des promesses verbales ont été faites sur une partie seulement de ces demandes». Le communiqué, qui fait état du dépit de ses signataires, et qui relève avec force «l'instrumentalisation politicienne qui est faite du concept de réconciliation nationale», accuse l'ensemble des candidats de «manquer de courage politique». Aucun d'entre eux, lors des contacts qui ont eu lieu avec ses proches au début de ce mois, n'a exprimé ses positions et ses engagements de manière assez claire et précise. Contacts infructueux Le communiqué, qui engage la position officielle de l'ex-FIS, étant signé par son chef de l'exécutif ainsi que par ses leaders historiques, ne veut soutenir aucun des candidats en lice. Développant un discours assez proche de celui de Mouloud Hamrouche, dont la vision semble coller le mieux à la réalité ambiante, il évite soigneusement d'évoquer le terme «boycott». «Après ce qui s'est passé en Kabylie lors des dernières élections, chacun sait ce que représente véritablement le vote des Algériens», est-il mentionné. L'électorat de l'ex-FIS est donc laissé face à un bien curieux dilemme : soit ne pas voter, soit y aller, mais déposer un bulletin nul puisqu'il est hors de question, aux yeux de ses leaders, de soutenir un des six candidats en lice. A la lumière de cette sortie, somme toute attendue, il apparaît clairement que les éléments de l'AIS, que soutient Rabah Kébir réfugié en Allemagne, sont les seuls à appeler à voter en faveur du président-candidat. Des dizaines d'éléments de Madani Mezrag, dont d'anciens émirs, assistent régulièrement aux meetings de Bouteflika, et ne se font guère prier pour faire des déclarations à la presse. Les signataires du communiqué daté d'hier, qui font tout pour sauver la cohésion des rangs, jamais ébranlée de cette manière depuis l'interruption du processus électoral en janvier 1992, indiquent clairement que les positions, jusque-là exprimées par les uns et les autres n'engagent que leurs auteurs. Les demandes adressées aux six candidats, contenues dans un communiqué daté du 30 avril passé, exigeaient, pour rappel, «la levée de l'état d'urgence, la vérité et la justice sur les disparitions forcées, la libération des prisonniers politiques, la restauration des droits des citoyens, la prise en charge effective des victimes de la tragédie nationale et, enfin, la levée des interdits prononcés à l'encontre des dirigeants de l'ex-FIS ainsi que le retour des exilés», comme préambule à la réhabilitation de ce parti interdit. Cette dureté dans le langage des chefs du FIS n'a d'égale que la déception avec laquelle ils ont fait le constat de l'échec de leur initiative politique, qui a été reçu par les partis et les six candidats avec un dédain manifeste. La déception des chefs du FIS est d'autant plus accentuée par la position de Bouteflika, et à un degré moindre de Djaballah. Le premier, qui avait fait de la concorde civile le credo de ses deux campagnes, de 1999 et de 2004, a complètement clos le dossier du FIS. Quant au second, seul islamiste engagé dans la présidentielle, ilo semble se soucier surtout de la façon dont il pourrait brasser l'électorat du parti dissous et le prendre pour lui. L'AIS maintient le cap Un autre motif de colère est venu en rajouter : celui du ralliement de plusieurs personnalités et membres fondateurs de l'ex-FIS aux candidats, accentuant encore davantage la ligne de fracture entre les chefs et ce qui reste encore «opérationnel» du parti. Hamouche et Dhaoui, membres fondateurs de l'ex-FIS, avaient annoncé, à partir de Constantine, leur ralliement à Ali Benflis, principal rival de Bouteflika pour la course à la présidentielle. Hachemi Sahnouni et Mohamed Bouyali, deux figures emblématiques de l'islamisme radical des années 1980, avaient annoncé de leur côté, leur ralliement au président-candidat, et argumenté ce choix par «la politique de concorde, de réconciliation et de paix prônée par Bouteflika depuis 1999, sans discontinuer, malgré les embûches et les obstacles que placent sur son chemin les tenants du verrouillage sécuritaire». L'AIS (Armée islamique du salut, branche armée de l'ex-FIS, et qui avait déposé les armes aux termes d'un accord secret conclu avec l'armée) a clairement signifié son choix pour le président de la République «bien que celui-ci n'ait pas encore mené à leur terme toutes les étapes d'une véritable concorde». Seul Ali Benhadjar, émir national de la Ligue islamique pour la daâwa et le djihad (Lidd) continue d'émettre des signes d'énervement et de refus de cautionner, désormais, tout compromis. Après avoir intégré les accords armée-AIS, il a lacéré cette concorde «en trompe-l'oeil» destinée à la consommation internationale et «vide de tout contenu concret et palpable». La déchirure du FIS reste à la mesure de sa colère. Le parti mastodonte de 1991 est aujourd'hui exclu de l'aire politique légale, «et même d'aussi petits candidats daignent aujourd'hui être courageux et répondre à notre attente», précise un leader algérois signataire de l'appel à l'abstention.