Nul doute, estiment les observateurs, que les chantiers sociaux seront une priorité pour le président Bouteflika. De sources proches de la Centrale Ugta, on apprend que son secrétariat national s'est réuni cette semaine à la Maison du peuple. Cette première rencontre, intervenant après la présidentielle qui s'est soldée par la victoire écrasante de Bouteflika, a servi à l'Ugta à confirmer qu'«il n'a pas été question pour ce syndicat d'offrir un chèque en blanc au chef de l'Etat». Mieux, alors qu'il est confirmé que Bouteflika ne semble pas avoir d'opposition solide en face de lui, il est fortement souhaité, a-t-il été souligné que «la Centrale joue le rôle de contre-pouvoir dans une phase aussi cruciale pour le pays».Dans ce contexte, le secrétaire général de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi-Saïd n'a pas manqué de réitérer son engagement pris lors du 10e congrès de ce syndicat que «le Snmg (salaire national minimum garanti) passe à 15.000 DA avant la fin de son mandat». Celui-ci devrait intervenir dans un peu moins de deux années, estime-t-on. Une rencontre de coordination est prévue entre le secrétaire général de l'Ugta et le futur chef du gouvernement, quel qu'il soit, dès que Bouteflika aura prêté serment et désigné son chef de l'Exécutif. Il serait question, précise-t-on, de préparer la tenue d'une bipartite dans les tout prochains mois, et une tripartite dès la prochaine rentrée sociale. La Centrale, qui est en train de finaliser plusieurs dossiers, continue de courir à perdre le souffle à la recherche du temps perdu. La demande qui se trouve sur le bureau d'Ouyahia pour l'annulation de l'article 78 bis de la loi 90-11 sera ainsi remise sur le tapis. Cette revendication, loin d'être fortuite, permettrait à l'ensemble des travailleurs, tous secteurs confondus, de bénéficier des mêmes hausses dans le Snmg, ce qui est loin d'être le cas présentement. La bipartite se pencherait également sur le programme de remise à niveau des entreprises publiques, afin d'en mesurer la portée, les éventuelles imperfections et la manière idoine d'y remédier. La privatisation, qui n'a jamais véritablement fonctionné en Algérie, de même que les investissements étrangers, figureront également au menu de cette rencontre, puisque le retour de la stabilité politique et institutionnelle, qu'accompagnerait une meilleure maîtrise de la sécurité devrait servir de facteurs incitant les capitaux, réputés lâches, à renouer avec la destination algérienne. Le très épineux dossier sur la future loi sur les hydrocarbures, que d'aucuns tentent de remettre sur le tapis, promet de figurer au menu de ces discussions puisque l'Ugta a l'intention de ne pas plier sur cette question et de défendre les acquis de la nationalisation de 1973 jusqu'au bout. N'a-t-elle pas, à son actif, la grève nationale de deux jours, massivement suivie par tous le secteurs, y compris par certaines entreprises privées? Quant à la tripartite, il y a fort à parier qu'elle serve à amener une nouvelle augmentation dans le Snmg. Celui-ci passerait allègrement la barre des 12.000 DA, en attendant celle des 15000, laquelle a toutes les chances d'être réalisée vers le milieu de l'année prochaine. Cette somme n'équivaut même pas aux besoins primordiaux d'une famille de cinq personnes, selon une étude, jugée pertinente, effectuée par des spécialistes pour le compte de l'Ugta. Ce document, récemment remis à jour, est très souvent brandi aussi bien par les dirigeants de l'Ugta que par le Parti des travailleurs à l'appui de leurs nombreuses et pressantes revendications sociales. La Centrale, qui espère bien tirer pas mal de dividendes de son soutien à Bouteflika, attend un renvoi d'ascenseur conséquent en matière de concessions sociales. Ce serait la meilleure manière pour l'Ugta, estime-t-on, de justifier sa prise de position politique, de mieux résister aux coups de boutoir des syndicats autonomes de plus en plus nombreux et actifs dans le pays, mais aussi de profiter d'un renvoi d'ascenseur amplement mérité. A l'appui de ces thèses, figure le fait que Bouteflika, qui profite d'une embellie financière tout à fait exceptionnelle, a toute les raisons de faire une priorité des nombreux chantiers sociaux en instance. Le peuple, qui a massivement voté pour lui, a eu toute latitude de développer ses besoins incompressibles lors de la campagne qu'a menée le président dans presque toutes les wilayas du pays. C'est, forte de ce soutien à Bouteflika durant cette campagne, ainsi que de ses quatre millions d'adhérents, que l'Ugta ira négocier en position de force pour décrocher de nouveaux avantages en faveur du monde du travail dont les trop nombreux sacrifices porteront enfin les premiers fruits.