Depuis les révélations de l'espion américain, Edward Snowden, sur les pratiques de la NSA (National Security Agency), le monde de l'espionnage international bouillonne alors que, ici et là, se lève le voile sur les activités fangeuses des officines du renseignement. On s'est focalisé sur le renseignement américain qui espionnait ses partenaires européens, quand ces activités entraient de plain-pied avec les pratiques courantes du monde du renseignement qui espionne, aussi bien l'ennemi, que l'ami. Ce que vient de confirmer l'ancien directeur du Dcri (Direction centrale du renseignement intérieur français). Bernard Squarcini en fait benoîtement l'aveu, reconnaissant que les Français aussi surveillaient les Américains. Mais ce n'est là que l'un des aspects opaques du monde marécageux de l'espionnage. Cependant, ce qui retient l'attention dans les confidences de Bernard Squarcini, se sont les informations qu'il donne sur le soutien de pays du Golfe au terrorisme en Algérie. Dans un livre paru le 26 novembre dernier aux éditions Ellipses à Paris - écrit avec Etienne Pellot sous le titre Renseignement français: nouveaux enjeux - Bernard Squarcini se lâche et dit quelques vérités sur le renseignement français, revenant sur des affaires qui ont défrayé la chronique - telles la tuerie de Toulouse et l'affaire Mohamed Merah -, pointe du doigt le jeu trouble en Syrie du duo Hollande-Fabius et, last but not least, fournit des indications sur le soutien, selon lui, des services saoudiens au terrorisme en Algérie, comme l'aide que lui ont accordée le Qatar et le Koweït qui ont, dit-il, soit armé, soit financé, les térroristes quand ce n'est pas les deux à la fois. Dans la foulée, il révèle que le terrorisme qui a sévi dans les années 1990 en Algérie a été, sinon initié, à tout le moins, encouragé de l'étranger par des aides multiformes. Les Français faisaient à l'époque chorus avec ceux qui propagaient le «qui tue qui?». Mais, les Français, eux, savaient. Squarcini apporte même des précisions en indiquant que c'est le chef des renseignements saoudiens Bandar ben Sultan - le grand manitou du renseignement saoudien et grand manipulateur des jihadistes de l'Afghanistan en Syrie en passant par l'Algérie - qui finançait les groupes extrémistes dans le Monde arabe, en particulier en Afrique du Nord. C'est ainsi que l'ancien espion français expliquait dans son livre: «Nous savons, il y a 20 ans, que les banques saoudiennes, égyptiennes et koweïtiennes finançaient les groupes islamistes (...) en Algérie. Le nerf de la guerre (finances), passait par Genève, Lugano et Milan, à travers des organisations non gouvernementales humanitaires et des sociétés commerciales utopiques.» «(...) Nous assistons aujourd'hui à la restructuration des réseaux de financement plus complexe, dont certains proviennent de l'Arabie Saoudite, et d'autres du Qatar (...). Le Qatar apparaît ainsi comme la plaque tournante du nouveau «jihadisme» dans le Monde arabe qui met à la disposition des «jihadistes» son énorme matelas financier en utilisant des méthodes de l'ingénierie financière mondiale - fonds financiers ou d'investissements - destinés aux réseaux des associations proches des groupes armés», explique encore l'ancien chef des espions français. Sans tout dévoiler, l'ancien directeur du Dcri, en dit, néanmoins, suffisamment pour se convaincre que l'Arabie Saoudite et le Qatar - pour ceux qui en douteraient encore - ont été derrière les malheurs qu'a connus l'Algérie et que connaît aujourd'hui la Syrie. A propos de ce pays, Squarcini affirme «(...): L'Arabie Saoudite a un rôle dans le financement et l'entraînement des groupes extrémistes.» Il rappela que le 22 mars 2013 les renseignements européens se sont alarmés «suite aux rapports faisant état de centaines d'Européens combattant dans les rangs des groupes les plus extrémistes en Syrie». Squarcini revient également sur les propos tenus par Hollande devant Bouteflika quant à la lutte contre le «jihadisme» au Sahel, s'attirant une répartie cinglante du président algérien qui lui rappela le double jeu français, combattant le jihadisme au Sahel, tout en l'aidant en Syrie. On savait boueux le milieu du renseignement, mais on s'aperçoit qu'au final ce sont les pays dits «démocratiques» qui l'instrumentalisent et ont le plus soutenu l'expansion du terrorisme international soit en le laissant faire - cela a été le cas en Algérie - soit en l'aidant, indirectement, comme en Syrie. Ce que confirme le professionnel du renseignement français. Cela étant, l'Algérie a le droit de demander des explications à la France (qui savait) comme de se prémunir contre la réédition de tels actes malveillants. Mais Squarcini a-t-il vraiment tout dit? On en doute...