Discussions laborieuses à Falloujah, médiation dans l'impasse à Najaf. Dans cette situation critique, Washington se tourne vers l'organisation internationale. Peu de changements sont intervenus durant le week-end. A Falloujah c'est toujours la trêve, mais un cessez-le-feu armé ponctué d'échanges de tirs entre les deux parties, fort heureusement, sans que cela débouche sur les combats qui ont occasionné des centaines de morts la semaine dernière. Les pourparlers qui ont repris hier entre les assiégés et les marines s'avèrent laborieux et peu consistants toutefois, en dépit de ces difficultés, et si l'on excepte les escarmouches relevées ici et là, la situation tend plutôt à se stabiliser dans le bastion sunnite de Falloujah Le problème est autre dans la citadelle chiite de Najaf, où l'ennemi numéro 1 des forces américaines, Moqtada Sadr, a trouvé refuge. Cependant, la médiation tendant à trouver une solution au cas du jeune chiite radical semble totalement dans l'impasse ; il ne pouvait en fait en être autrement car, dès le départ, la coalition a fait de l'élimination du chef rebelle chiite son objectif prioritaire, le chef d'état-major interarmées américain, le général Myers, réaffirmant même que «leur mission est de capturer ou de tuer» Moqtada Sadr. Dès lors, les médiations tendant à dépasser cette difficulté avaient peu de chance d'aboutir. Ainsi, les médiateurs ne parviennent pas à trouver un terrain d'entente entre les deux parties. Un porte-parole de Moqtada Sadr, Qaïs Al-Khazaali, a indiqué à ce propos : «Les médiations avec la partie américaine se sont arrêtées, les médiateurs nous disant que les Américains ne cessent de mettre des obstacles devant une solution à la crise et la situation est devenue mauvaise», affirmant : «Nous nous attendons à ce que les Américains attaquent Najaf à tout moment.» Dans ce bras de fer entre chiites et Américains, la brève incursion des Iraniens, qui n'a pas laissé d'étonner, a fait diversion et est tombée comme un cheveu sur la soupe, les Américains trouvant «inacceptable» la présence iranienne en Irak. Les Iraniens ont été «invités» par les Britanniques dans la perspective «d'aider» à solutionner la crise avec les radicaux chiites, ce qui indiquait une certaine différentiation d'approche du problème irakien par les Britanniques et les Américains. Mais tout semble être rentré dans l'ordre après le voyage de Tony Blair à Washington, le Premier ministre britannique, -qui a fait mine d'avoir un point de vue indépendant-, ayant retrouvé son statut de «fidèle» allié des Etats-Unis. Une péripétie qui indique combien les Etats-Unis demeurent les seuls maîtres à bord en Irak, mais des maîtres bien embarrassés qui ne dédaigneraient pas un secours apporté par les Nations unies. Les Etats-Unis, unique superpuissance mondiale, n'ont voulu écouter aucun conseil et surtout pas celui de l'ONU lorsqu'ils décidèrent d'agir seuls et d'imposer la guerre en Irak une guerre, on le sait aujourd'hui, que rien ne justifiait. Par arrogance, portant leur puissance (militaire, financière, économique) comme un emblème, les Américains sont ainsi partis seuls à la guerre, comme ils l'ont fait d'ailleurs au Vietnam, envers et contre tous, avec le résultat que l'on connaît. Aussi, Washington, et à sa suite Londres, ont-elles accueilli favorablement, sinon respect, les propositions de l'émissaire des Nations unies en Irak, le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, lequel pourtant, dans le plan qu'il va proposer au Conseil de sécurité, ne garde du fameux accord conclu le 15 novembre dernier, entre la coalition et le Conseil transitoire irakien, que la date de transfert de pouvoir prévu le 30 juin prochain. Ce qui n'empêche pas les Etats-Unis d'en faire grand cas. Ainsi, le président américain, George W. Bush, ne tarit pas d'éloges sur le plan Brahimi, indiquant : «Il (Lakhdar Brahimi) a identifié un moyen d'aller de l'avant pour établir un gouvernement intérimaire qui est largement acceptable pour le peuple irakien». A New-York, Tony Blair renchérit : «Je salue tout particulièrement les efforts qui ont été faits par M.Brahimi pour trouver la bonne manière d'aller de l'avant.» Cependant, plus réservés, les responsables onusiens attendent d'avoir le rapport de Lakhdar Brahimi pour se prononcer, indiquant : «C'est un processus qui est en cours et nous n'avons pas encore toutes les réponses.» Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, souligne: «Une bonne partie de la mise en oeuvre et du suivi (de la transition politique) devront être assurés par les Irakiens.» Ce qui va nécessiter inévitablement une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Les Etats-Unis, présumant de leur puissance, croyaient pouvoir régenter le monde seuls, mais l'Irak et un probable retour de l'ONU sur la scène irakienne montrent qu'il n'en est rien.